20 mars 2012

"Nouveau souffle": de l'espoir en apnée

Là où Oslo, 31 août a échoué, Nouveau Souffle réussit. Je me permets la comparaison dans le sens où les deux films, à quinze jours d'intervalle, empruntent les mêmes voies. Celle d'une jeunesse en déshérence. Qui peine à trouver sa place dans la société. Voire, plutôt, qui rechigne à y trouver sa place.
Je dis rechigne car, dans les deux cas, et contrairement à ce qu'on pourrait penser (on a connu le cinéma plus socialement subversif), le message semble bien être: "démerde-toi, le Ciel ne t'aidera pas". Si l'on voulait une explication moins triviale, et plus philosophique, on pourrait évoquer les vertus de la maïeutique: "la réponse est en toi." Et qui dit réponse, dit question. En l'occurrence, quel sens donner à ma vie? Et comment surtout?
C'est là que les deux films divergent (et oui, on sait, ça fait beaucoup). Sous fond de noirceur sociale - tiens, tiens, y aurait-il une crise morale en jeu, dans la société, dont le cinéma se ferait écho? (la réponse est oui, ne cherchez pas) - l'un, Oslo, 31 août tombe dans le misérabilisme (ça pourquoi pas, mais en y allant avec de gros sabots qui font que l'on devine la fin très longtemps à l'avance), l'autre demeure dans l'espoir. Ténu, l'espoir. Sombre. Mais espoir quand même. Espoir que le film parvient à juste esquisser, et non a asséner froidement. Enfin un réalisateur qui ne nous prend pas pour des imbéciles, voulant à tout prix tout filmer, pour tout expliquer!
Le film tient par ses silences, ses non-dits, ses jeux de regards. On retiendra ainsi deux scènes, particulièrement réussies. Celle du train, quand Roman se retrouve assis face à une jolie touriste anglaise: en misant avec sa caméra sur les reflets de la vitre, le réalisateur Karl Markovics réussit à faire passer le jeu de la séduction. A peine trois ou quatre mots prononcés. Tous au service de l'image. Même primauté de l'image sur le son, un peu plus tard, quand Roman se trouve bien engoncé avec son noeud de cravate. Un truc tout bête, mais qui fait bien la séparation entre le monde des adultes et celui des adolescents, qui doivent pourtant se résoudre à rentrer dans le rang un jour (moi-même, voyez-vous, je n'ai jamais su faire un noeud de cravate, c'est dire si...). L'un des collègues de Roman, du genre taiseux, lui montre, dans son dos, devant un miroir, comment s'y prendre. Là encore, pas un mot. Juste deux paires d'yeux qui s'auscultent, communiquent, avec une intensité bien plus forte que s'il y avait eu un dialogue.
Au contact des morts pour renaître à la vie?
On l'aura compris, Nouveau Souffle se veut comme un récit initiatique. Roman Kogler, joué par Thomas Schubert, a 18 ans. Il est enfermé dans un centre de détention pour mineurs, et attend de paraître devant le juge pour, peut-être, obtenir une libération sur parole. Mais il est seul. Pas de famille, pas d'amis. Oh! les gardiens ne sont ni inhumains, ni humiliants, ils sont juste froids, mécaniques dans leur travail. Comme quand, par exemple, à chaque fois que Roman rentre au centre (il est en semi-liberté), ils doivent procéder à la fouille à nu - le grand classique "penche-toi et tousse".
Il y a bien un agent de probation qui tente d'entretenir le dialogue, mais Roman reste mutique. On ne sait trop ce qu'il a dans le ventre, d'ailleurs, ce Roman. Un petit con, qui croit que tout lui est dû, ou un jeune "qui n'en veut"? On penche d'abord pour la première solution. Pour accentuer ses chances d'être libéré il doit trouver un travail. Il s'essaie à la soudure. Un échec lamentable. Puis, son choix s'arrête sur un boulot à la morgue. Son agent de probation croit à une basse provocation qui ne mènera à rien, sinon à un autre échec. Nous aussi.
Mais voilà que Roman surprend son monde en s'accrochant. C'est peu dire, pourtant, que ce n'est pas funky. Levé aux aurores, dans sa cellule minable, sortie dans le froid (le froid autrichien, c'est dire si c'est glauque), train de banlieue, prise du travail à 7h pétantes, uniforme gris et triste à porter. Et collègues pas franchement avenant, pour couronner le tout... Sans parler, bien sûr, de tous ces morts, qui constituent le quotidien.
Des corps en veux-tu, en voilà. Corps à glisser, froids, de la morgue au cercueil. Mains, raides, à relier entre elles. Chapelet à poser entre les doigts gourds. Mais corps à récupérer au domicile, aussi, après une mort subite. Toilette à faire, sur une peau encore chaude, habits à enlever et à remettre. Et puis, un jour, un nom sur une étiquette pendue à une cheville vient rompre la routine. Une certaine Christine Kogler gît là. Kogler. Le même patronyme que lui. Et s'il s'agissait de sa mère? La réponse est non, mais Roman se décide alors de partir à la recherche de celle qui, 18 ans plus tôt, l'a abandonné. De ce déclic à la morgue s'ensuit une quête, laborieuse, douloureuse, pour reconstituer son passé, l'accepter et le digérer. Une nécessité pour sortir de l'apnée, et respirer à nouveau.


Bilan: On peut s'en passer - Moyen - A voir! -Excellent - Attention, futur grand classique.
Note: 11/20

3 commentaires:

Ada a dit…

Oh 10 ça va encore (enfin je veux dire pas en même temps hein, mais dans la saison, ça reste raisonnable).

Putain JNoCau (ouh là ça me fait bizarre de t'appeler comme ça) tu me donnes envie d'aller au cinéma alors même que toutes mes tentatives se soldent par des échecs retentisssants (mais comment ça s'écrit retentissants bordel ?), t'as qu'à voir hier, je faisais la nocturne, j'avais donc prévu de me faire une petite toile en matinée, le truc sympa quoi. Eh ben à la place j'ai été obligée d'attendre le plombier, si c'est pas complètement dégueulasse la vie quand même.

Jean-Noël Caussil a dit…

C'est gentil ce que tu dis là. Merci.
Le pire, avec le plombier, c'est souvent son prix. Non?

Ada a dit…

Si.