27 décembre 2012

Bilan 2012: Skyfall domine, mais L'Age de glace 4 dérive tout près

Skyfall, le film le plus vu de l'année,
avec 6,6 millions d'entrées en France.
C'est bien de pérorer avec mon classement des meilleurs films 2012. Mais les vrais goûts des gens, hein, ça donne quoi? Petite année en réalité puisque trois films, seulement, dépassent les 5 millions de spectateurs. Pour mémoire, ils étaient 4 en 2011, mais avec Intouchables à plus de 19 millions. C'est dire si on est cette fois-ci loin du compte.
Les dix meilleurs films cumulés pointent péniblement à 47 millions d'entrées, contre plus de 60 millions pour le top 10 de 2011.
A noter, encore : on compte cette année 49 films millionnaires (Les Kaira vient clore la liste, avec 1,016 million d'entrées). 54 avaient l'année dernière franchi cette barrière très symbolique. C'est assez peu probable, mais Populaire (910.000) et surtout Les mondes de Ralph (880.000), toujours à l'affiche, peuvent encore l'approcher.
 

Mais place au top 10 2012 
 
Scrat et Manny talonnent James Bond.
1/ Skyfall : 6,620 millions d'entrées
 
 
3/ Sur la piste du Marsupilami : 5,300 millions
 
4/ La vérité si je mens 3 : 4,600 millions
 
5/ Avengers : 4,500 millions
 
6/ The Dark Kight Rises : 4,390 millions
 
7/ Twilight chapitre 5 : 4,290 millions
 
 
9/ Madagascar 3 : 3,340 millions
 
10/ Le Prénom: 3,380 millions.
 

Joli coup pour Chabat qui signe
le film français le plus vu de l'année.
De ces dix, je n'en ai vu que... deux : Avengers et Sur la piste du Marsupilami. Et si on reprend mon classement perso, on voit très nettement que... que... ben que je claironne dans le vide. Mais ça, je le savais déjà.
 
Vous n'avez encore rien vu : 156.000 entrées
Moonrise Kingdom : 508.000
Les Infidèles : 2.300.000
Radiostars : 560.000
J.Edgar : 1.430.000
Tyrannosaur : 47.000
Le Grand Soir : 430.000
Avengers : 4.500.000
Comme des frères : 315.000
God bless America : 64.000

25 décembre 2012

Bilan 2012: "Vous n'avez encore rien vu" meilleur film

Le film de l'année est signé Alain Resnais.
Meilleur par rapport à qui, par rapport à quoi? Et puis selon quels critères, surtout? Partons du principe que tout cela est forcément subjectif. Et qu'il y a là, bien sûr, un petit côté maître d'école un peu ridicule. J'en conviens.
Mais j'ai toujours adoré les statistiques, les classements et les bilans. Plus jeune, on m'offrait pour mon anniversaire ou Noël les "Année du cyclisme" et "Année du football". C'était pratique pour qui voulait me faire plaisir: pas besoin de trop se gratter la tête. C'est devenu plus compliqué, désormais. Mes bilans annuels, je les fais moi-même...

Attention. Vous être prêts à être abreuvés de chiffres? Alors, c'est parti !!
J'ai vu cette année 32 films. 12 français et, donc, 20 étrangers. J'ai donné à 17 d'entre eux une note supérieure à 10/20 (dans un panel allant de 6 à 17). Le tout pour une moyenne générale à 10,5/20.
 
Encore plus de détails? Vous êtes de grands fous, je vois, et j'aime ça.
6 films ont eu droit à la critique "excellent"
8 à la mention "à voir"
8 à un simple "moyen"
et 10 à un lapidaire "on peut s'en passer".
 
Et voici donc, sous vos yeux ébahis, mon top 10 2012. Un top 10 qui, soit dit en passant, finit avec un très honorable 14,5/20 de moyenne. Fait notable: on trouve 5 films français dans le lot. Pas si mal.

1/ Vous n'avez encore rien vu. Alain Resnais.
Trop vieux pour faire de grands films, Alain Resnais? C'est mal le connaître. Papy fait de la résistance et prouve que, à 90 ans, on peut continuer à être inventif. Il sert ici une ode au théâtre dans un film qui évite l'écueil de la simple adaptation théâtrale. Une merveille de mise en scène qui fait de la pièce d'Eurydice quelque chose d'ultra moderne. Et, plus important, de cinématographique. Le grand film de l'année.

Difficile d'égaler le talent de la mise en scène
de Wes Anderson, dans Moonrise Kingdom
2/ Moonrise Kingdom. Wes Anderson.
L'enfance vue par Wes Anderson. Un film onirique sur l'insouciance de la jeunesse, confrontée au monde des adultes. Sam aime Suzy, qui aime Sam. Les deux sont bien décidés à vivre leur amour - pur, forcément pur - sans se soucier de ce que peuvent bien en penser les autres. Une quête infantile grandiose, empreinte de nostalgie et de romantisme.
 
3/ Les Infidèles. Collectif.
Jean Dujardin revient au comique après The Artist. Le tout avec succès. Une gageure car le garçon était attendu au tournant. Et qu'il se coltine ici un film à sketchs qui a d'ordinaire tout du "casse-gueule". Avec son compère Gilles Lellouche il se penche sur le cas du quadra voulant encore jouer au jeunot, dragueur invétéré mais surtout souvent "beauf" attachant. Des rires francs et massifs pour échapper à la morosité ambiante.
 
4/ Radiostars.  Romain Lévy.
Une bande de potes en goguette, menée par un Manu Payet décidément excellent. Quand l'équipe d'un "morning" radio part en tournée dans la France profonde. Un road movie franchouillard frais et divertissant.
 
5/ J.Edgar. Clint Eastwood.
Un film d'un grand classicisme - Clint Eastwood à la baguette - mais qui pervient à émouvoir en abordant, sobrement, la question d'une homosexualité refoulée. J.Edgar Hoover, tout puissant patron du FBI 48 ans durant, mais montré dans ce qu'il a de plus faible et pitoyable. Une histoire d'amour, forte mais non assumée, avec son numéro 2, Clyde Tolson. Quelques facilités dans le scénario et la mise en scène, mais un très bon di Caprio et une approche tout en finesse des failles qui font la grandeur - et la décadence - des hommes.
 
6/ Tyrannosaur. Paddy Considine.
Un film anglais, évidemment. Qui d'autre pour exprimer ainsi la rage sociale et le désespoir de tout un pan de la population? Un Peter Mullan exceptionnel endossant le rôle d'un pauvre veuf dans une Glasgow glauque à souhait. Un solitaire bourru, vaguement alcoolisé, qui n'en finit pas de hurler sa misère. Mais qui, aidé par Hannah - une Olivia Colman émouvante de justesse et de finesse, lutte pour canaliser cette haine sous-jacente. Et en sortir le meilleur? Mouais... Essayer en tout cas, ce qui n'est déjà pas si mal.
 
7/ Le Grand Soir. Benoît Delépine et Gustave Kervern.
Une comédie noire comme le duo Delépine et Kervern a appris à nous en délivrer désormais. La "french touch'" pour aborder la crise, en somme. C'est la merde, certes, mais ce n'est pas une raison pour ne pas en rire. Un duo Poelvoorde-Dupontel qui fait des éclats - ce qui n'était pas gagné d'avance. Et, au final, de quoi réfléchir sur notre sort actuel. Avec, comme mot clé, cette phrase, qui résume tout: "T'aurais pu nous prévenir, papa, que c'était si dur."
 
8/ Avengers. Joss Whedon.
Des lacunes en matière de super-héros? Pas de panique. Avengers les rassemble tous, depuis Iron Man en passant par Hulk, Thor, Captain America, Black Widow et Hawkeye. De la grosse artillerie hollywoodienne, certes, mais qui parvient à être subtile. Le film est bien écrit - des dialogues parfois très drôles - et les stars qui sont au générique donnent l'impression de jouer ensemble et non l'un contre l'autre, dans une pathétique ambition de tirer la couverture à eux. En soi, déjà à souligner.

9/ Comme des frères. Hugo Gélin.
Des tonnes d'imperfections dans ce premier long-métrage de Hugo Gélin, mais un trio Duvauchel-Demaison-Niney qui s'amuse à l'écran, et nous amuse par la même occasion. Une réflexion douce-amère sur le sens de la vie, au différents âges de la vie. Des dialogues qui font mouche, pour des situations qui, forcément, entrent en résonance avec notre propre vécu. Une jolie surprise.
 
Tara Lynne Barr. La révélation.
Son jeu, ses regards, tout est parfait.
10/ God bless America. Bob Goldwaith.
L’un des fantasmes les mieux partagés au monde, sans doute: se débarrasser de tous les connards qui encombrent nos vies. Sauf que ça ne se fait pas, paraît-il. Qu'à cela ne tienne, Frank, incarné par Joel Murray (petit frère de Bill) se lance dans une chasse aux cons délirante et assez jouissive. Il partage l'affiche avec une Tara Lynne Barr merveilleuse, révélation de l'année.

Un peu de fiel, maintenant, dans ce monde de gentilesse? Oh que oui alors. Mon flop 5 est largement dominé par Bruegel, le moulin et la croix qui, tellement mauvais, aurait presque mérité d'être classé hors concours. Le top "five" du pire de l'année 2012.

1/ Bruegel, le moulin et la croix. Lech Majewski.
L'idée de départ était assez géniale: s'emparer d'un tableau de Bruegel et imaginer la vie de quelques-uns des personnages représentés. Sauf que Lech Majewski signe en réalité un film sans scénario, qui n'a strictement aucun intérêt.

2/ Chroniques sexuelles d'une famille d'aujourd'hui. Jean-Marc Barr.
Le cul, ça marche toujours... Eh non, très cher Jean-Marc Barr. Du rien entouré de scènes de sexe sobres - en clair que des bouts de fesse qui dépassent (la version non censurée était attendue pour la sortie du seul DVD). Vide de sens.
 
3/ Cosmopolis. David Cronenberg.
C'est l'histoire d'un gars, joué par Robert Pattinson, qui a un problème de prostate asymétrique. C'est surtout l'histoire d'un gars, David Cronenberg, qui prend les spectateurs pour des abrutis.
 
4/ Dans la maison. François Ozon.
"Il se passe toujours quelque chose dans une maison, et il y a toujours moyen d'entrer". Cette phrase, c’est Claude, le héros narcissique et manipulateur de Dans la maison qui la prononce. Sauf que ce qui est valable pour une habitation l’est visiblement beaucoup moins pour un film. On ne croit pas une seconde à la fable avancée par François Ozon, qu'on a connu plus inspiré.
 
5/ Les adieux à la reine. Benoît Jacquot.
Benoît Jacquot réussit le tour de force de faire de ces jours historiques des débuts de la Révolution une miévrerie sans nom, ni souffle. Un échec sur tout la ligne.
Pierre Arditi, sublimé (et ça faisait un bail
qu'on attendait ça).
 
Meilleur film: Vous n'avez encore rien vu

Meilleur réalisateur: Wes Anderson

Meilleur acteur: Pierre Arditi, Vous n'avez encore rien vu

Meilleur actrice: Olivia Colman, Tyrannosaur

Révélation masculine: Manu Payet, pour Radiostars et Les Infidèles

Révélation féminine: Tara Lynne Barr, pour God bless America

24 décembre 2012

"Les Bêtes du sud sauvage": trop de perfectionnisme tue la perfection

Ce serait quelque chose entre un Waterworld des bidonvilles et un Moonrise Kingdom triste. Les Bêtes du sud sauvage, drame onirico-social, pour ne pas dire socialo-onirique (qui serait davantage connoté) est un film déroutant. Limite inclassable, tant il épouse de multiples codes. Film catastrophe, un peu, avec la montée des eaux et ses drames, dans le bayou qu'on suppose de Louisiane. Film social, surtout, avec un groupe de déshérités vivant chichement dans des cahutes de fortune, presque comme des bêtes - instinct grégaire inclus - à proximité immédiate de la civilisation, qui se refuse à eux (et inversement). Et puis film initiatique, aussi, avec cette candeur de l'enfance, se coltinant des problèmes d'adulte...
 
Comme un clan de Cro-Magnon aux abois
 
J'ai presque envie de surtout retenir ce dernier point, puisque tout repose sur les épaules, forcément frêles, d'une gamine de six ans. Une fillette au nom imprononçable. Quvenzhané Wallis. Un jeu assez exceptionnel pour son âge. Une présence, un regard... Il se passe quelque chose de fort avec cette petite. On ne va s'emballer - elle est jeune et il est loin d'être certain qu'on la revoie plus tard, mais elle a un don, ça oui !
Dans le film, elle s'appelle Hushpuppy. Elle vit avec son père, quelque part dans le bayou. Une vie à la dure, au milieu des animaux. J'allais dire comme des animaux, mais ce n'est pas loin d'être ça. Six ans seulement, peut-être, mais devant déjà se débrouiller seule ou presque. Ça mange avec les mains. A peine si ça prend le temps de cuire sa nourriture. Tout juste si ça vit en groupe - quelques familles, disséminées çà et là - avec la nature comme seul horizon. C'est bien simple... Si on oublie les tôles ondulées et les carcasses de voitures qui leur servent d'abri, on se prendrait à observer un clan de Cro-Magnon aux abois...
 
Quête infantile et poétique un poil trop gourmande
 
Quvenzhané Wallis. Enfin la pitchoune quoi.
Aux abois car l'eau monte. Une grosse tempête. L'apocalypse. Les terres sont inondées. De l'eau partout. De l'eau salée, qui ronge tout, tue tout. Bientôt plus rien à manger. Il faut bien survivre pourtant. Le groupe s'entraide, mais ce n'est pas facile. La santé du père de Hushpuppy décline. La petite, dégourdie, n'a alors qu'une idée en tête: rejoindre sa mère, mystérieusement partie à sa naissance, lui a-t-on dit. Hushpuppy, depuis quelque temps, voit au loin une drôle de lumière, posée sur l'eau. C'est là que le film prend des accents "Wes Andersonniens"... Quête infantile poétique. La lumière de l'enfance. L'espoir qui scintille, vacille. Sa mère, forcément. Elle part à sa recherche.
En réalité, c'est bien plus compliqué que ça. On a d'ailleurs un peu de mal, au final, à voir où Benh Zeitlin veut nous mener. Et on touche là au coeur du problème avec Les Bêtes du sud sauvage. Le film est un poil trop gourmand, à vouloir explorer trop de pistes. S'il avait été raté, j'aurais parlé de film "fourre-tout", terme péjoratif s'il en est. Comme il est malgré tout réussi, je me contenterai d'évoquer sobrement un film trop propre, trop maîtrisé. Vous avez dit paradoxal? Sans doute, oui, mais que je vous explique...
 
Trop de perfectionnisme tue la perfection
 
C'est le premier long métrage de Benh Zeitlin, tout juste 30 ans, et du talent à revendre. Scénariste, réalisateur et même compositeur de la bande originale - plutôt très bien, elle aussi, on sent le cinéphile, le vrai. Mais il est un peu tendre, encore. Pour devenir un grand - et il en a la capacité, je pense - il doit apprendre à se défaire de son apprentissage scolastique. Il doit patiner son savoir-faire. Lui donner une âme qui lui manque encore. Les Bêtes du sud sauvage est trop "léché" pour être honnête. Trop riche. Jolie mise en scène, jolie lumière. Trop. Il faut savoir parfois salir un peu son oeuvre pour lui donner du corps.
Ce souci de la perfection, qu'on sent dans chacun des plans, nuit à la crédibilité de l'ensemble. C'est censé être l'apocalypse, la fin d'un monde, la souffrance. Ça se doit d'être sale, crade. Cet esthétisme omniprésent empêche de s'identifier vraiment aux personnages. C'est dommage, mais c'est franchement porteur d'espoir pour l'avenir. Benh Zeitlin est un gars à suivre.
 
 
 
Bilan: On peut s'en passer - Moyen - A voir! - Excellent
Note: 12/20

20 décembre 2012

"A la française": Baer en caricature de lui-même

"Alors c'est ça le truc? J'ai pas d'idée alors je vais me déguiser en grosse dame, histoire d'être sûr de recueillir deux-trois rires faciles?!" Et que croyez-vous qu'il fit? Il se déguisa en vieille dame, pardi. Un court extrait faisant figure, me semble-t-il, de résumé assez parfait pour la pièce A la française, jouée et écrite par Edouard Baer, au théâtre Marigny.
Tout à jeter, alors? Non, bien sûr que non. C'est Edouard Baer qui est à la baguette, et le garçon a du talent. On le retrouve tel qu'on le connaît. Joyeusement foutraque. Donc avec des répliques bien senties et un jeu excellent mais, car il y a forcément un mais, avec aussi une légère tendance à éclipser ses petits camarades - ils sont neuf, avec lui, sur scène - et, plus grave encore, à venir masquer les trop nombreuses facilités d'écriture de la pièce.
 
Tendance recyclage
 
Pour qui a suivi un peu la carrière de Baer, on retrouve ainsi quelques bouts de ses sketchs de la glorieuse époque Canal. Et, à y bien réfléchir, le scénario a quelques similitudes, aussi, avec son film, La Bostella. Baer incarne... Edouard Baer, lequel est chargé, par le ministère des Affaires étrangères, d'organiser un spectacle pour la soirée du G20, qui se tient à Paris. Voilà trois mois qu'on l'a contacté pour cela, avec comme thème, très vague, de donner sa vision de la France. Procrastination oblige, Baer n'en a pas foutu une ramée. Et, à 24h du G20, un représentant du ministère - un bien pauvre Lionel Abelanski, guère servi par l'inconsistance de son texte - vient s'enquérir des avancées du spectacle. La pièce commence ici. Baer n'a plus le choix. Il doit s'y mettre, et rameute tous ceux qui traînent autour de lui pour organiser à la hâte cette foutue soirée. Mais comment s’y prendre ? Qu’est-ce que la France ? Que raconter ? Comment la représenter ? C’est tout l’enjeu du brainstorming qui s’installe (tempête dans le cerveau, en bon français), deux heures durant.
 
Entre les rires, le temps est long
 
Caricature assumée de lui-même, Edouard Baer est comme un poisson dans l'eau dans ce foutoir. Il surnage grâce à des envolées lyriques intéressantes, qui ont fait sa réputation, et qui sauvent l'ensemble. Qui déclenchent même, assez régulièrement, quelques rires francs.
Mais tout est dans le "assez régulièrement"... L'ennui, c'est qu'entre ces rires le temps est souvent long. Les dialogues venant conclure les différentes scènes sont parfois d'une pauvreté affligeante, et le tableau final est carrément mauvais. Ballot puisque c'est la dernière impression laissée...
Certaines scènes sont assez inexplicablement chantées. Ce qui n'apporte strictement rien, et a même plutôt tendance à venir casser le rythme. D'autant que, à part un joli brin de voix sur une chanson de Piaf de la part de Léa Drucker, les textes chantés sont franchement plats. Si quelqu'un a compris l'intérêt de ces insertions de type "comédie musicale" dans la pièce, qu'il ne se gêne pas pour me dire...
 
Faute avouée est à moitié pardonnée
 
Restent, malgré tout, les rires que j'évoquais. Ils masquent certes assez mal le vide autour, mais ont toutefois le mérite d'être là. On retient de "A la française" un foutoir franchouillard plutôt sympathique. Et, pour qui voudra aller plus loin dans l'analyse psychologique, une charmante mise en abyme d'un Edouard Baer se moquant gentiment des travers qu'on lui prête: "un gars talentueux, mais un poil paresseux et brouillon" (c'est la critique du Figaro qui, très justement, utilise ces deux termes). Baer semble en être parfaitement conscient. Et comme faute avouée est à moitié pardonnée, on peut envisager sans reculer d'aller voir "A la française"... mais à moitié prix alors.
 
 
 
A la française
De et avec Edouard Baer
Théâtre Marigny
Carré Marigny
Paris VIIIème
Jusqu'au 26 janvier 2013

16 décembre 2012

"Dali": le Dali poétique et joueur à Beaubourg

J'ai déjà vu des expositions plus didactiques. En même temps, allez essayer de rendre claire et logique la vie de Dali... Le Centre Pompidou s'y essaie - un peu - en cherchant à baliser le parcours avec une petite dizaine de panneaux explicatifs. Autant le dire tout de suite: ils ne servent pas à grand-chose, et mieux vaut, ici, se contenter de déambuler d'un oeuvre à l'autre, au gré de son inspiration.
Ou plutôt, non. Il y a un panneau à lire, un seul, qui permet de comprendre le génie de Dali. Et comme je suis bonne poire, je vous mâche le travail. C'est sur cette histoire de méthode "paranoïaque-critique". Le coeur de l'oeuvre de Dali, donc. Un brin compliqué, de prime abord. Je vous la fais simple. Dali est dingue. Génial, mais dingue. En proie à des délires qu'il s'échine à dompter. C'est ça, justement, l'objectif de la méthode "paranoïaque-critique". Maîtriser ses délires et faire de l'art un jeu. Subtil, parfois déroutant, mais un jeu quand même.

Le déclic sur L'Angélus de Millet

A la base, un certitude, née dans le cerveau, qu'on qualifiera pudiquement de différent, de Dali. Petit garçon, à l'école, il passait tous les jours devant une reproduction de L'Angélus, de Millet. Et il dira plus tard avoir toujours ressenti comme un malaise à ce moment-là. C'est un beau jour de 1932 que la révélation lui vient. Il prétend voir subitement l'envers du décor. Loin d'être la représentation banale d'un couple de paysans priant au crépuscule, L'Angélus cache en réalité une image lubrique. La femme est une mante religieuse s'apprêtant à dévorer le paysan, dont le chapeau cache une érection mal contenue. Et l'on passe sur le bébé qui viendrait d'être enterré à côté de la brouette.
En 1963, Dali, qui sait être convaincant, obtiendra du Louvre une expertise officielle pour conforter ses intuitions. Le panneau explicatif qui relate cet épisode jette ensuite un voile pudique sur les résultats... Il n'empêche. C'est de cette expérience que naît chez Dali cet art du double message qu'il s'amuse à distiller dans ses tableaux. Quelque chose entre "la vérité est ailleurs" et "une image peut en cacher une autre"...

Quand l'art devient un jeu

Débute alors un festival où le jeu consiste à reculer, avancer, se mettre un poil plus à gauche ou plus à droite pour trouver enfin le bon angle de vision qui permettra de repérer les différents degrés de lecture des oeuvres exposées. Jouissif. Jouissif et participatif. Chacun des spectateurs s'amuse devant les toiles, les valides - ceux qui ont repéré l'image cachée - aidant les non valides. L'art devient spectacle, cessant d'être un moment d'introspection, où l'on prend un air pénétré en se gratouillant le menton, pour devenir un amusement. Avec, notamment, ces installations avec jeux de miroirs, assez magiques: quand on s'approche tout près des vitres, l'image apparaît en 3D. Bluffant. Et si, par définition, il m'est impossible de vous en montrer ici le résultat, je me rattrape avec quelques-unes de ses "images cachées":
Apparition d'une figure de Vermeer
dans le visage d'Abraham Lincoln.

Buste de Voltaire.

Espagne.

Le grand paranoïaque.

Velasquez peignant l'infante Marguerite
avec les lumières et les ombres
de sa propre gloire.
Et comme, pour une fois, j'avais fait court, je reprends la parole. Avec cette dernière toile, "Velasquez peignant l'infante Marguerite...", on touche du doigt, aussi, l'immense culture artistique de Dali. Il fait allusion, dans son oeuvre, aux glorieux anciens: Vermeer, Velasquez (l'original de son Infante Marguerite ici), et même Raphaël, avec une très jolie Tête raphaélesque éclatée.
Surtout, alors que l'exposition s'ouvre sur sa voix  - et quelle voix ! - résonnant depuis le plafond, et discourant sur la vie intra-utérine et le concept de paradis perdu, on découvre un Dali plus poétique, peut-être, que celui qu'on a l'habitude de voir avec ses sculptures, compositions et autres Vénus à tiroirs ou Montres molles. Un Dali moins caricatural et provocateur que l'image qu'il s'est construite. Ses toiles de jeunesse sont à ce regard très parlantes, comme cet Autoportrait cubiste de 1923 (il a 19 ans) ou, toute petite, ne payant pas de mine, mais pourtant sublime, cette Charrette fantôme de 1928, qui éclate de mélancolie et de nostalgie. Un Dali délicat, en somme. Donc encore plus touchant et émouvant. 

Charrette fantôme.

Table solaire.

Paysage avec jeune fille sautant à la corde.

Image médiumnique paranoïaque.

Couple aux têtes pleines de nuages.
Dali
Centre Pompidou-Beaubourg
Jusqu'au 25 mars 2013

10 décembre 2012

"Tabou": brisons un tabou, tout le monde a aimé, pas moi...

Avant d'aller voir Tabou, prévoir une bonne cure de sommeil. Ah oui?! Parce que ça remue tellement qu'on a du mal à s'en remettre? Euh... non, non, juste parce qu'on risque méchamment de s'endormir pour peu qu'on soit fatigué.
J'ai honte à l'avouer mais, visiblement seul parmi un concert de louanges, je me suis ennuyé avec Tabou. Bon, qu'on soit bien d'accord: c'est joli, avec une lumière intéressante, et ça vient casser les codes habituels - un film en noir et blanc, quasi muet, avec voix off se voulant envoûtante. Mais j'ai bien peur que, justement, cet esthétisme ne soit là que pour cacher le néant du scénario.
 
Mélancolie amoureuse dans l'Afrique coloniale des 60's
 
On apprend ainsi qu'Aurora, vieille dame indigne, un brin acariâtre, a été jeune, autrefois. Et plutôt très jolie, accessoirement. Qu'elle a aimé, follement, et que cet amour fut maudit. La gourgandine, bien mariée, s'était entichée d'un amant. Et voilà que, au soir de sa vie, agonisante, elle couche un nom et une adresse sur un papier. Gian Luca Ventura, Marques de Pombal, Lisbonne.
Ses deux amies, sa femme de ménage cap-verdienne, Santa, et sa voisine de palier, Pilar, crevant de solitude et de mélancolie, s'échinent à le retrouver. Ce qu'elles font. D'où la voix off - c'est lui qui raconte sa jeunesse. Et pas de panique: je ne spoile pas (je sais qu'on me reproche de trop en dire, parfois). On plonge dans l'Afrique coloniale des années 1960, dans un pays non cité, mais que mon immense culture m'incite à identifier comme étant soit le Mozambique, soit l'Angola (une colonie portugaise, quoi...).
 
Mutisme et noir et blanc ne suffisent pas à faire un grand film
 
Une histoire d'amour impossible? Quoi de plus banal. Le réalisateur, Miguel Gomes, a cru pouvoir s'en tirer avec cette double pirouette du noir et blanc et du muet. Un peu facile. C'est certes inattendu - on peut passer trente bonnes secondes sans aucun son (d'où l'endormissement inopiné pour peu que, enfoncé dans de moelleux fauteuils, on cède à Morphée) - mais ça ne fait pas du cinéma d'anthologie pour autant. Tabou est lent quand The Artist, pourtant dans la même veine - tout est relatif mais quand on évoque un film muet on pense à celui-là, évidemment - est enlevé.
J'allais rajouter que The Artist est original quand Tabou ne l'est pas. Mais je retire aussi vite que je l'écris. Le scénario du film d'Hazanavicius, après tout... Alors peut-être que, sans s'en rendre compte, on met ici le doigt sur le noeud du problème. Tabou ne souffre-t-il pas de la comparaison? Ne pâtit-il pas d'arriver après?
Ana Moreira et Carloto Cotta, les deux héros.
 
Mise en scène sans aspérité
 
Moment crucial. Depuis que je suis sorti, déçu, de ma salle de cinéma, je tourne et retourne la question. Pourquoi tout le monde a trouvé Tabou génial, et pas moi? Les acteurs sont bons, là n'est pas le problème. Ils sont même plutôt du genre séduisants tout les deux, avec le charme du passé - émoustillante petite robe sexy pour madame (Ana Moreira), et jolie moustache à la Clark Gable pour monsieur (Carloto Cotta).
Où cela pèche-t-il, alors? A mon avis, dans la mise en scène. Elle est sans aspérité - qu'on mette les mêmes images en numérique et en couleurs, et la pauvreté de l'ensemble sautera aux yeux. Pas de grandes trouvailles dans la manière de filmer. Rien que du très classique, au contraire. Alors oui, c'est beau, calme, voire apaisant, mais loin, vraiment loin d'être inoubliable.
 
 
 
Bilan: On peut s'en passer - Moyen - A voir! - Excellent
Note: 08/20