Raphaël? Une petite entreprise à lui tout seul. Rien de
bien forcément nouveau sous le soleil de Rome, mais c'est tout le mérite du
musée de Louvre que de rendre unjuste hommage aux deux principaux collaborateurs du grand Raffaello Sanzio.
J'ai nommé FrancescoPenni et Giulio Romano,
dont certaines des œuvres sont exposées avec celles de leur maître et ami.
Francesco qui et Giulio comment ? Oui, je sais, c'est
triste, on ne les connaît pas et cela va nous obliger à rajouter deux Tortues ninja de
plus. Les idéaux d'une jeunesse entière qui foutent le camp... Ils le
mériteraient, cela dit, les deux bougres. Car combien de fois, en m’approchant
d’un joli tableau, ai-je eu la surprise de constater qu’il était de Penni ou de
Romano ?
Giulio Romano? La
star de l’expo
Plutôt de Romano, d'ailleurs. Pas tant que Penni n'en
valait pas un, de penny (vous avez le droit de rire et d'applaudir), mais le
pauvre garçon n'a pas vécu suffisamment longtemps pour imprimer sa marque: il y
a bien la vierge au diadème bleu,
quand même, assez sublime, mais on ne sait pas trop si on doit la lui
attribuer à lui, ou à Raphaël.
Romano, en revanche, c'est plus simple. Le saligaud
avait du talent à revendre. Le portrait de la Madonna Novar? C'est lui. Celui d'Isabel de Requesens, vice-reine de Naples ? Encore lui. Ce jeune homme, vraisemblablement Alexandre de Médicis ? Toujours lui. Terrible, pour
Raphaël, de sans cesse être happé par une toile et de se rendre compte,
ensuite, qu'elle est de Romano.
La star de l'exposition, ne serait-ce pas Giulio Romano,
alors ? Ce n’est pas si simple. C’est un ensemble, une équipe qui est ici
mise en lumière et c’est très bien ainsi. Il faut imaginer Rome, au tout début
du XVIème siècle. Vinci,
Michel-Ange et Raphaël
réunis dans la même ville. Plus ou moins en concurrence. Et comme les mécènes
et les clients potentiels ne sont pas si nombreux, pas d’autres choix que de
savoir s’entourer pour les satisfaire vite et bien.
Ils étaient, au plus fort de sa gloire, une cinquantaine à
travailler avec Raphaël. Le maître imagine la composition initiale,
ses élèves prennent le relais pour concevoir les modello et les cartons (c'est-à-dire, pour faire simple, les
esquisses et le travail préparatoire) - parfois œuvrent-ils même jusqu’à l’exécution
finale – et Raphael, jamais bien loin, veille pour assurer la qualité et
l'homogénéité de l'ensemble. D’où, parfois, quelques difficultés pour savoir à
qui réellement attribuer le tableau.
La Sainte-Famille
à toutes les sauces
L’art de l’époque est avant tout religieux, et Raphaël,
comme les autres, occupe gaillardement cette niche de marché. L’exposition,
aussi. Même qu’on entre avec ça. Des retables, en veux-tu, en voilà.
La Sainte-Famille à
toutes les sauces. La Vierge au centre, la Vierge à gauche, à droite, la Vierge
accompagnée ou non de Joseph, jeune ou vieux, chauve ou chevelu. Marrant, de
voir toutes ces variations, parfois subtiles.
Marrant mais, car il y a un mais, pas toujours à l’avantage
de Raphaël… Difficile, en effet, de se sortir de la tête laSainte-Anne, de Vinci…. Pareil quand Raphaël s’attelle à la représentation
de Jean-Baptiste, en pied : celui de Vinci, plus ramassé (et
exposé juste à côté, accessoirement), emporte davantage d’adhésion. Ceci n’étant
évidemment qu’un modeste avis personnel, il va de soi…
Et puis ça n’enlève rien au talent de Raphaël, de toute
manière. Lequel fut reconnu très vite, notamment par les papes Jules II et Léon X, qui le prirent à
leur service et ne le lâchèrent plus. C’est la deuxième partie de l’expo. Celle
consacrée à son travail au Vatican, à s’occuper des appartements privés du pape.
Avec un problème majeur, ici : les murs et les plafonds peints par l’artiste
sont restés au Vatican (si, si). On n’a droit qu’aux gravures et aux dessins
préparatoires. Voire pire : juste aux photos.
Frustrant ? C’est peu de le dire… D’autant qu’il y a
là-bas quelques chefs-d’œuvre bien sympathiques. La bataille du pont Milvius, par
exemple. Une fresque gigantesque, peinte dans la chambre dite de Constantin.
Judicieusement dénommée ainsi, d’ailleurs, la chambre, puisque ladite bataille a
été gagnée par Constantin,
le premier empereur romain à s’être converti au christianisme.
La troisième partie de l’exposition est à mon sens la plus
intéressante. Toute une série de portraits des grands de l’époque. Quelques-uns
d’une modernité assez fabuleuse, faisant oublier que tout cela a été peint il y a cinq bons siècles déjà. Notamment celui de Bindo Altoviti,
qui sert à l’affiche de l’exposition. De quoi ancrer Raphaël - et Romano - dans un art qui nous est sans doute plus proche que celui consistant à représenter des scènes religieuses.
Raphaël, les dernières années
Musée du Louvre
Jusqu'au 14 janvier 2013
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