26 janvier 2014

"Le vent se lève" : une tempête destructrice plutôt qu'une jolie brise romantique

Vous avez Ponyo en tête? Eh bien oubliez. Le vent se lève est d'une noirceur déroutante. Tellement que ce n'est pas un film pour les petits, et s'il est pour les plus grands, autant savoir qu'on en sortira avec le coeur lourd et pas avec cette si belle tendresse qu'on attache généralement à Miyazaki.


Il a un don pour surprendre, Miyazaki. Son ultime film, Le vent se lève, est d'une noirceur étonnante. Un testament d'un pessimisme rare. "Le vent se lève, il faut tenter de vivre"... Miyazaki cite Paul Valéry, en français dans le texte, et prière de se démerder avec ça. Et comme ce vent a tout de la tempête destructrice et pas grand-chose de la jolie brise romantique, on en sort un peu sonné.
On est si loin de Ponyo... Son Vent se lève est une fresque qui gagne en crédibilité et véracité historique ce qu'elle perd en onirisme. La beauté des sentiments ? La légèreté de l'ensemble ? Le rêve et l'amour, l'amitié, plus forts que tout ? L'enfance idéalisée ? On oublie... Tout est si gris. Si triste. L'homme est un loup pour l'homme, et ça nous saute à la gorge, sans nous lâcher du début à la fin.

Vous voulez y envoyer vos enfants ? Oubliez

Quand je serai grand, je serai pilote d'avion...
Si bien que l'on est presque content de sortir et, pire, qu'on ne garde pas en tête ce si délicat parfum suave de Ponyo ou Totoro. Ah! ça non alors... On erre dans la rue en se disant que ce bas monde est une vile saloperie, et que ce n'est pas près de changer.
C'est voulu, bien sûr. Miyazaki veut mettre l'accent sur ce temps que l'on perd en bêtises. Sur ces priorités que l'on se donne, et qui n'en sont pas. Qui ne devraient pas en être. Le message est intéressant. Il est, comme toujours avec Miyazaki, délivré avec talent. Sa soif de détails est toujours somptueuse. La qualité de ses animations. Celle du scénario, aussi. Tout juste, quand même, si on peut trouver le rythme parfois un peu trop lent
Ce n'est donc pas un mauvais Miyazaki, évidemment. Mais pas non plus le meilleur, loin de là. Le plus troublant étant de toute manière dans le traitement. Miyazaki, pour tirer sa révérence, a voulu rompre avec ses habitudes. Et, à trop vouloir dérouter, il a tendance à nous perdre un peu.
Je crains d'ailleurs, à voir la horde de nains pressée de s'engouffrer dans la salle à chaque séance, qu'il n'y ait comme une méprise. Ce film n'est franchement pas pour les petits. Et s'il est pour les plus grands, mieux vaut être prévenu de ce qu'on va voir, histoire de savoir où on met les pieds.

La tristesse prend le pas sur la tendresse

... Ou alors je construirai des avions de guerre.
C'est l'histoire "vraie" de Jiro Horikoshi. Jiro, jeune homme des années 1920, ne rêve que d'avions. Idéaliste dans un monde belliciste, il est ingénieur aéronautique et brûle de construire le plus beau des avions avec, comme modèle, le travail effectué par Giovanni Caproni. Engagé chez Mitsubishi, il n'a que cette idée en tête même si l'entreprise, elle, au nom du gouvernement, ne jure que par des chasseurs et des bombardiers.
Jiro, visiblement, avance avec des oeillères. Il rêve de beau, associant l'avion à la légèreté, la liberté. Tout son travail, auquel il s'adonne sans rechigner, n'a lui d'autres objectifs que d'améliorer l'avion pour en faire une arme de guerre, redoutable. Le mariage des deux met un poil mal à l'aise. Au point de se demander si cet idéalisme de Jiro, loin d'être poétique, n'est pas plutôt calculé. Genre tentative de réhabilitation un brin malsaine : je construis des engins de mort, mais j'étais animé des sentiments les plus purs...
Car ce brave Jiro n'est autre que le créateur des célèbres Zéro, qui firent tant de dégâts pendant la Seconde Guerre mondiale. Bon, cela dit, c'est vrai, le concepteur n'est pas forcément responsable de ce qu'on fait de son joujou. Mais enfin... Et admettons, d'ailleurs. Jiro, pour autant, n'apparaît pas follement sympathique. Il est trop accaparé par son travail. Et, encore une fois, le sentiment serait le même si son travail c'était distributeur de bisous.

On reste sec quand on voudrait déborder de tendresse

Au loin, c'était la guerre.
Jiro est aimé de Nahoko. Et Nahoko, elle, ça oui alors, elle est pure. Pure et belle. Gentille. Dévouée. Un peu tuberculeuse, aussi, ce qui est plus embêtant. Elle se sacrifie, fait des efforts, pour vivre son amour. Le contraire n'est pas forcément vrai. Jiro l'aime en retour, bien sûr, mais qu'il lâche son travail, enfin ! Qu'il s'occupe d'elle ! Qu'il l'aime, boudiou !!
Or sa tête n'est remplie que de rêves d'avions. Et Nahoko, c'est quand il y pense... C'est-à-dire rarement. Alors, quand le temps de l'amour arrive enfin, sous fond de drames imminents, on n'a pas cette émotion qui, d'ordinaire, avec Miyazaki, affleure. On reste sec quand on voudrait déborder de tendresse. Et on sort en se disant "mais qu'est-ce que c'est triste", quand on voudrait pouvoir dire "mais qu'est-ce que c'est beau".




Bilan : On peut s'en passer - Moyen - A voir - Excellent
Note : 8/20

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