La fin est ridicule. Elle gâche tout. Il n'empêche. Stoker distille quelques scènes de cinéma assez époustouflantes. De quoi placer Park Chan-wook dans la liste, pas si étoffée, des réalisateurs à suivre.
Ça commence dans le génie et sombre, durant la dernière demi-heure, dans la plus ridicule des séries B. Rarement vu un film autant échapper à son réalisateur... Il fallait voir la salle rire à l'ultime scène, laquelle se voulait pourtant paroxystique. C'est dommage parce que cette dernière impression, ratée, a tendance à occulter tout le reste, et occuper toute l'analyse qu'on peut faire de Stoker, le premier film hollywoodien de Park Chan-wook.
Le Coréen est pourtant un grand cinéaste. Sa mise en scène est assez extraordinaire, et son style d'une beauté très sophistiquée. Il y a dans Stoker des plans épatants et, dès le générique de lancement, merveille d'esthétique, cette certitude d'avoir affaire à quelque chose de grand. C'est dire si la déception finale n'en est que plus cruelle...
Figure hitchcockienne et traits kidmaniens figés
Présenté comme d'influence hitchcockienne, Stoker en a en effet tous les attributs. India, adolescente un brin perdue dans son monde, interprétée par une fascinante Mia Wasikowska, vient de perdre son père dans un accident de voiture. Elle vit désormais seule avec sa mère dans un manoir très victorien. Une mère à la beauté froide et glaçante, jouée par Nicole Kidman. J'allais dire aussi aux traits inexpressifs, mais je doute que ce soit volontaire, et plutôt dû aux désastres chirurgicaux...
Si l'on arrive malgré tout à faire abstraction que Nicole ne peut plus jouer qu'avec une expression et demie - on souffre avec elle quand elle doit froncer les sourcils - on peut voir en elle, quand même, cette figure hitchcockienne typique qui rappelle, un peu, Grace Kelly. De quoi intriguer avant que ne sorte justement le Grace Kelly d'Olivier Dahan, avec Kidman dans le rôle titre. Mais vu comment il a massacré La Môme en 2007, on craint quand même le pire...
Mais Stoker, donc. India via seule avec sa mère depuis la mort subite de son père, jusqu'à ce que son oncle, dont elle ignorait l'existence, ne vienne s'installer avec elles. L'oncle est incarné par Matthew Goode, dont il est difficile de dire s'il est bon, moyen ou carrément mauvais. Il traverse ce film un peu comme un fantôme, flottant mollement plus que se déplaçant. Cela dit, cette impression déroutante qu'il laisse derrière lui colle plutôt bien avec l'atmosphère de mystère créée par Park Chan-wook. Car cet oncle énigmatique, évidemment, c'est le coeur du film. Est-il bon ou méchant? Digne de confiance ou à fuir comme la peste?
Park Chan-wook sait faire du cinéma. La preuve avec cette scène par exemple. |
De sublimes transitions
La mère, Nicole Kidman, est complètement dépassée dans ce petit jeu "psychologique" qui s'installe, et c'est donc le duo formé par India et son oncle qui tient le film. De manière convaincante la première partie du film, chacun avec sa part d'ombre et ses petits secrets. Mais sombrant dans la caricature la plus grossière ensuite.
Il faut retenir, malgré tout, le talent de mise en scène et de composition de Park Chan-wook. Conçu avec de nombreux flashbacks, qui permettent d'avancer dans l'intrigue, Stoker évite avec maestria les écueils souvent nés d'une telle construction. Les transitions en fondu enchaîné sont franchement sublimes - la scène où India peigne les cheveux de sa mère qui, doucement, glissent vers un champ de blé caressé par le vent est, à elle seule, un grand moment de cinéma. A voir rien que pour cela et quelques autres trouvailles qui font retenir, dans un coin de la tête, le nom de Park Chan-wook, dans l'attente de son prochain film.
Bilan : On peut s'en passer - Moyen - A voir - Excellent
Note : 12/20
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