09 septembre 2012

"Du vent dans mes mollets": pour les amoureux des névroses psychogénéalogiques

"Si je pouvais ramener ta mère en tuant la mienne, je le ferais." Il sort parfois de la bouche de Rachel, 9 ans, des mots bien étonnants. Rachel voue une admiration totale à sa camarade de classe, Marina Campbell, qui vient de perdre sa mère. Ladite Marina, il faut l'avouer, a à peu près tout pour elle. Grande, belle, mince et blonde, quand Rachel est moins... euh... moins grande et moins blonde. Mais de là à tout sacrifier, et notamment sa mère, pour faire plaisir à sa copine, voilà qui n'a pas grand sens! On l'aura compris, Rachel a un problème avec sa mère (Agnès Jaoui). Laquelle, aussi, a un problème avec la sienne (Judith Magre)... On s'arrête là, mais on aurait sans doute pu continuer ainsi longtemps. "Du vent dans mes mollets" ravira tous les adeptes de la psychogénéalogie, théorie voulant que les troubles subis par les parents se répercutent inconsciemment chez les enfants. Et encore, là je vous la fais courte, car il en est qui sont apparemment capables de remonter jusqu'à Marie-Antoinette si on les laisse faire.
Comme si ce n'était pas suffisant, Carine Tardieu, la réalisatrice, nous rajoute un père (Denis Podalydès) survivant d'Auschwitz. Le seul de sa nombreuse famille. Avec, comme anecdote rabâchée à longueur de soirées, sa traversée de la Pologne, à pieds et en pyjama rayé, pour revenir en France. La mort rôde donc bien gentiment dans la maisonnée. Et elle rôde d'autant plus que, hop, on change de branche dans l'arbre généalogique, la grand-mère (Judith Magre) vit avec la petite famille suite à un AVC qui l'a laissée bien gauche... enfin handicapée du côté gauche, ce qui revient un peu au même. Mamie ne déplace plus sans son chapelet. Au cas où la Grande Faucheuse ne vienne s'occuper d'elle pour de bon cette fois.

Orgasmes de psychogénéalogistes et caricature grossière
 
Pesant, vous dites? Oui assez. Et c'est sans parler de la mère, Colette (Agnès Jaoui), trop présente avec sa fille, parce qu'ayant elle-même souffert d'une mère trop absente (petits cris symptomatiques d'orgasmes multiples chez les psychogénéalogistes). Caricature de mère juive tunisienne, la Colette.
Caricature? Fichtre, le mot est lâché. Il résume malheureusement l'ambiance générale. Rachel, étouffée par l'atmosphère familiale - sa mère lui offre une carte pour faire un don aux enfants du Sahel pour son anniversaire - va découvrir, grâce à une amie vive et délurée, Valérie, ce que peut être, et doit être, la vie d'une petite fille de 9 ans. Faite d'insouciance, de bêtises assumées et d'abonnements au Club Barbie. Bien évidemment, cette prise de conscience enfantine rejaillit sur l'ensemble de la famille, qui s'encroûtait bien méchamment dans ses névroses et ses non-dits... Et zou, v'là-ti pas que la bonne humeur et la joie de vivre refont gaillardement leur retour chez les Gladstein (c'est leur nom). A une petite exception près, à la fin, que je ne dévoile pas, mais qui, soyons honnêtes, n'apporte rien au film.

Originalité de la mise en scène? Néant...
 
"Du vent dans mes mollets" souffre d'un manque cruel d'originalité. La petite fille s’ouvre au monde en s’émancipant de sa famille et, par contrecoup, ses parents, à leur tour, sortent de leur cocon… Agnès Jaoui a beau être excellente (elle l'est toujours!), elle reste enfermée dans un rôle où on l'a déjà vue mille fois. Quadra désabusée et angoissée, bien installée dans la vie mais malgré tout mal dans sa peau. Redondant... Même sentiment de déjà vu avec Denis Podalydès, dans son jeu de papa lunaire un peu éteint. Excellent lui aussi (pour les mêmes raisons qu'Agnès Jaoui), mais ça ne suffit pas. Ce mariage de la carpe et de... euh... et de la carpe dans un même couple ne surprend plus grand-monde. Les Bacri-Jaoui ont déjà tout exploré dans cette veine.
Carine Tardieu, donc, n'invente rien. Pas même un univers ou une mise en scène. Elle place son film au tout début des années 1980 (Rachel est née en 1973) sans que rien ne vienne légitimer ce choix. Ou plutôt si, on n'en voit que trop l'explication... La petite maligne s'est dit qu'en jouant sur la fibre nostalgique, elle parviendrait peut-être plus facilement à duper les spectateurs trentenaires (et plus): manchette de journal sur Mitterrand par-ci, vieilles bagnoles au design qu'on qualifiera "d'audacieux" par-là. Et même de petits morceaux de Jean-Pierre Descombes pour les plus pervers!
Tout cela tombe à plat. Pire encore: une allusion grotesque à La Boum, avec la BO "Reality", qui vient plomber la fin. Seul satisfecit à ce retour aux 80's: on n'a finalement jamais fait mieux que ces vieilles vidéos en Super 8 (on en voit quelques-unes dans le film), qui n'ont pas besoin des filtres d'Instagram pour arborer leurs sépias d'origine. Mais ça ne suffit pas à faire un bon film.
 
 
 
Bilan: On peut s'en passer - Moyen - A voir! -Excellent - Attention, futur grand classique.
Note: 07/20

5 commentaires:

Florence a dit…

Bravo, tu ne m'as pas du tout donné envie !

Jean-Noël Caussil a dit…

@Florence: ;-)))))

Ada a dit…

Ah JNoCau le retour !
J'avoue j'ai un peu joui car quand Jaoui, je jouis. Entièrement d'accord avec toi, elle est excellente. Bon et puis j'avoue aussi que j'ai kiffé la première séance chez la psy (la psy : Oui ? Jaoui : Oui ? La psy : Oui... Jaoui : Oui...oui...non mais...) mais je ne me qualifierais pas pour autant de psychogénéalogiste
Bref moi j'ai bien aimé, j'ai ri...Podalydès qui fredonne Banga (y a du fruit, y a de l'eau...on peut boir à gogo, A GOGO DE BANGA !) (mon dieu mon dieu que j'aime)
En revanche je t'en supplie raconte-moi la fin ! Je n'ai pas vu le dernier quart d'heure pour cause d'incident technique et d'interruption de la projection : j'en suis restée au retour de vacances des 3 générations de femmes, quand Jaoui passe devant sa cuisine, tourne la tête et voit...quoi ? Envoie-moi un mail s'il te plaît.
Pour finir, bravo, encore une belle critique, agréable à lire et drôle

Jean-Noël Caussil a dit…

@Ada Oui, il y a des dialogues plutôt drôles, tu as raison. Mais ils sont trop rares à mon goût. cela dit, oui, oui, le passage de Jaoui avec la psy est très bien. Jaoui est vraiment bonne actrice. En tout cas, moi, j'adore.

Sinon, la fin, que je te raconte (***ATTENTION, SPOILER, ATTENTION, PASSEZ VOTRE CHEMIN VOUS AUTRES, C'EST ENTRE ADA ET MOI***):
Jaoui revient de vacances, tourne la tête, laisse tomber son sac, et voit quoi??? Et voit quoi ??? Une cuisine toute neuve, refaite à neuf par son mari chéri.
Bref, c'est bonheur dans la famille. L'amour, la joie, la bonne ambiance. La petite Rachel est une fillette épanouie, avec une mère beaucoup plus zen, et un père qui, enfin, participe aux discussions et se montre un peu moins éteint on va dire.
Après, ça se gâte un peu, malheureusement. Valérie, sa grande copine, est victime d'une crise d'appendicite. Bon, personne ne s'inquiète, because, bordel, c'est quand même qu'une crise d'appendicite. Mais vlà-ti pas que ça se passe mal, à cause de son coeur malade. Elle meurt, et c'est là que je dis que la fin n'apporte rien, Valérie meurt. Et Colettte (enfin Jaoui quoi) l'apprend par téléphone justement au moment où la petite famille, réunit autour d'un repas, est toute joyeuse et épanouie. Va falloir annoncer ça à Rachel qui va mieux. Drame, évidemment. Injustice. Rachel, un peu plus tard, malheureuse comme on peut l'être dans un tel cas, est toute triste. Elle prend son vélo, et fonce, t^te baissée, on ne sait où d'abord. En voix off, Rachel évoque le vent dans ses mollets (d'où le titre du film). En clair, ce sentiment de liberté et de vie qui lui fouette les jambes et lui rappelle qu'elle, elle est vivante encore. Plan suivant. Plan de fin. Rachel arrive dans un jardin, sonne à une porte. Celle d'Isabelle Carré. Les deux se tombent dans les bras. Unis dans l'adversité. Clap de fin. Un peu ratée, je trouve. Disons hors de propos. Mais bon.
Voilà, tu sais tout.

Nononyme

Ada a dit…

Merci !