Une jolie ode à la nature, mais pas seulement. Aussi une ode à la fraternité, au sens propre, et à l'humanité des sentiments. Le Diable dans la peau, film contemplatif, est d'une beauté assez frappante : l'image, la photographie, le son.
Si la nature est belle, les âmes sont grises.
Tristes plutôt. Le contraste en est d'autant plus fort. Intense. Cette sérénité
des paysages, d'un côté... Les forêts, les arbres, les rivières, les prés et
les oiseaux. La rugosité des hommes, de l'autre. Les non-dits, les
"trop-dits", la solitude et la souffrance, la violence, aussi,
froide, refreinée ou, au contraire, explosive.
Le Diable dans la peau, premier film de GillesMartinerie, est foutrement étonnant. Réussi. Pas un chef-d'oeuvre, non, car il
n'échappe pas complètement aux errements des premières fois (ici, c’est
essentiellement les dialogues, un peu faiblards, qui pèchent), mais il est de
ces films dont le déroulement, implacable, s'inscrit fortement dans les
esprits, bien longtemps après être sorti de sa salle de cinéma.
Quand les enfants cohabitent plus qu’ils ne
vivent avec les adultes
Laquelle salle n'est pas facile à dénicher, il
faut malheureusement le dire : deux pauvres cinémas, à Paris, et un à
Ussel, en Limousin, où le film a été tourné. C'est dommage, parce qu’il
méritait mieux. Le Diable dans la peau, c’est l'histoire d'une enfance bouillonnante,
écorchée. Celle de Xavier, 14-15 ans, joué par Quentin Grosset, et de son petit
frère Jacques (Paul François). L'absence d'une mère, décédée, les a liés à
jamais dans des rapports qui vont bien au-delà de ceux, traditionnels, d'une
fratrie. Ils s'épaulent, les deux frères, le grand s'étant érigé en protecteur,
gardien absolu, du petit.
Pas trop le choix, à vrai dire, puisqu'on ne peut
guère compter sur le père. Jamais là, et quand il l'est, pour s'en prendre à
ses fils, Xavier en particulier. Quant à la grand-mère, seule figure féminine, pauvre
grand-mère... Dépassée, visiblement, par une génération qu'elle ne comprend
pas, ne veut, ou ne peut pas suivre. Ces quatre-là cohabitent plus qu'ils ne
vivent ensemble. Et leur maison, perdue dans la campagne limousine, est d’une
tristesse terrible. Sombre, toujours, et jamais accueillante. Confinée,
oppressante. A comparer aux grands espaces de liberté, lumineux, qui sautent
aux yeux quand, enfin libres, les enfants s'égaient dehors.
Photographe de métier, et ça se voit
C'est les vacances d'été. Le temps de
l'insouciance et des jeux, normalement. Sauf que Xavier apprend que son petit
frère, à la rentrée, sera envoyé dans une école "spécialisée" (il est du genre très intelligent, le petit Jacques, mais un peu trop rêveur aussi). Les deux frères ne seront plus ensemble.
Xavier ne pourra plus veiller sur Jacques. Inacceptable.
Tout devient alors noir, accablant. On sent que
ça fourmille dans la tête de Xavier. Plus d’amis. Que des ennemis. Plus personne
en qui faire confiance. Le Salut dans le renfermement sur soi. La colère, la
haine. La confrontation avec quiconque osera se dresser entre son frère et lui.
Des émotions d'adulte, qu'un corps d'enfant doit
supporter, encaisser. L'adolescence à fleur de peau et la caméra de Gilles
Martinerie qui, ô magie, filme le tout avec dextérité. Le film tient par la
qualité de sa photographie. Des paysages splendides, mais qui ne sont
finalement rien d'autres que ceux de la campagne française. Ce que je veux dire
par là, c’est qu’on en trouve partout, finalement, et que seul le talent du
réalisateur parvient à les sublimer ainsi. Un photographe de métier, ceci
expliquant cela. Le cadrage est parfait, la lumière géniale, les plans léchés,
travaillés, pensés. Un bonheur, contemplatif, pour les yeux. Comme une ode à la nature, la verdure.
Le contraste entre la luminosité de la nature et
la grisaille des hommes
Et cette photographie, mon Dieu quelle photographie. |
Et ce contraste, surtout, entre le soleil du
dehors et la pénombre du dedans - la maison, ce qui se passe dans la tête de
Xavier. Entre la plénitude de la nature et la grisaille des sentiments, des
émotions. Pas un plan de trop, ni un plan qui en fait trop. Une grande sobriété,
tout le long, et une grande maîtrise. Un tableau final qui, en plus, vient
cueillir à froid tant, franchement, on ne peut pas s'y attendre.
On pourra juste regretter, un peu, que les
dialogues ne soient au niveau ni du scénario, ni de la photo et de la mise en
scène. S'ils l'avaient été, on aurait alors frisé le génie. Mais c’est déjà
largement suffisamment bon pour attendre avec impatience la suite des aventures
cinématographiques de Gilles Martinerie.
Bilan : On peut s'en passer - Moyen - A voir - Excellent
Note : 13/20
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