Enrique Sabater fait partie de ces hommes heureux. De ceux qui ont eu le loisir de côtoyer, au plus près, un génie en son domaine. Dali, en l'occurrence, dont il fut, douze années durant, entre 1968 et 1980, le secrétaire particulier. En réalité, bien plus que cela: l'ami, le confident. Et la centaine d'oeuvres issue de la collection Sabater, aquarelles, esquisses, dessins et photographies, exposée à l'Espace Dali, en plein coeur de Montmartre, a ce mérite de faire découvrir une facette peu connue du peintre et sculpteur espagnol. On connaissait le Dali excentrique; on le découvre généreux à l'extrême.Chaque année à Noël, Dali et Gala, sa muse et épouse, offraient à Sabater une oeuvre originale. Tous ces "A Sabater" qui s'étalent devant nous, comme autant de dédicaces laissées sur des livres, des affiches voire, parfois, des menus de restaurants, sont autant de marques de confiance et d'estime de la part de Dali. Car, bien sûr, pour fantasque qu'il était, le grand Salvador savait parfaitement ce qu'il faisait. Une simple signature de lui, griffonnée sur un bout de papier, suffisait à assurer la fortune de celui qui la recevait. Qu'on se souvienne, à ce propos, de cette anecdote liée à son grand copain Picasso. Un soir qu'il était au restaurant, et que, comme à son habitude, il n'avait pas pu s'empêcher de dessiner sur la nappe en papier de sa table, Picasso avait répondu au restaurateur venu lui demander de signer son oeuvre qu'il était juste venu "manger ce soir, pas acheter le restaurant."
Sabater, pas dupe non plus de la qualité des cadeaux reçus, les a bien sûr tous gardés. Mais, derrière cette collection, on sent des liens mille fois plus forts que ceux de l'argent: du respect, de l'admiration. De la nostalgie, aussi. "Après tant d'années, il est parfois douloureux de remettre la main sur les photos, les dessins, les lettres ou autres objets que nous avons mis de côté, et qui nous rappellent l'ami absent, écrit ainsi Enrique Sabater. Mais j'aime montrer ces présents. Aussi je veux continuer à déballer ces cartons où je trouverai peut-être ce que monsieur Dali se plaisait à appeler l'énigme sans fin."
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| Saint-Georges terrassant le dragon, par Dali. |
On apprend ainsi, par exemple, que Dali, comme un acteur, enfilait son costume de savant fou - entre autres une tunique blanche - pour recevoir un journaliste. "Mon habit d'interview", disait-il. L'homme privé, accessible à quelques-uns seulement, valait assurément mieux que ces rodomontades. Celui-là pouvait ainsi offrir, sans rien demander en retour, son épée d'académicien (des Beaux-Arts, à Paris) à son ami Sabater. Et puis le texte manuscrit de son discours aussi, tant qu'il y était. Comme ça. Juste pour le plaisir, et pour faire plaisir. Parce qu'on a tous besoin d'aimer, d'être aimé. Et Dali comme les autres.Signé Dali: la collection Sabater
Espace Dali
11, rue Poulbot, 75018 Paris-Montmartre
Jusqu'au 10 mai 2012

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