22 février 2012

"Dégagements: la Tunisie un an après": des artistes taraudés par la question du "et maintenant"

Qui s'attend à un foisonnement de gaieté artistique sera déçu. Pour célébrer le premier anniversaire de la révolution tunisienne, l'Institut du Monde Arabe, à Paris, organise une exposition rassemblant les oeuvres d'une vingtaine d'artistes tunisiens. Cela va de la peinture à la photographie, en passant par la sculpture, la vidéo ou des installations très contemporaines (et parfois un peu absconses, avouons-le d'emblée). Eclectique, donc. Mais, surtout, très surprenant. Pas tant dans la forme, plutôt dans le fond. Je m'attendais à une liberté folle. De l'audace, voire de l'insouciance, sinon de la joie. On ne se débarrasse pas tous les jours d'une dictature, après tout...
En lieu et place, beaucoup de doutes et d'interrogations. Comme si cette liberté toute nouvelle n'était pas vouée à durer. Une possibilité, cela dit, tant semblent fragiles les acquis de ce printemps arabe. Les artistes exposés, loin des envolées lyriques sur les vertus de la Révolution, s'interrogent tous, à leur manière, sur ce fameux "et maintenant", qui taraude les esprits.
Wassim Ghozlani
Deux d'entre eux sortent particulièrement du lot. Wassim Ghozlani, d'abord, avec sa série de 48 photographies "Postcards from Tunisia." L'artiste, partant du constat que "les cartes postales, d'ordinaire, sont là pour montrer la Tunisie comme havre de paix et de prospérité, à base de chameaux, palmiers et autres images folkloriques", s'est lancé dans le projet de montrer "la vraie Tunisie." A la clé, quelques clichés très évocateurs, sur les beautés réelles du pays.
Willis from Tunis
Nadia Khiari, ensuite, avec ses planches de BD mettant en scène son chat, Willis from Tunis, popularisé par Facebook quand, début 2011, Ben Ali s'accrochait encore au pouvoir comme une moule à son rocher. Une sorte de Geluck qui aurait du talent, si l'on voulait être gentil pour l'une, et méchant pour l'autre.
On me permettra, en revanche, d'être plus sceptique sur d'autres oeuvres. Le "kit du révolutionnaire", diptyque photographique représentant un bidon d'essence et une boîte d'allumettes me semble ainsi un peu trop "facile". C'est, certes, le symbole de la Révolution, via le sacrifice de Mohamed Bouazizi mais, dans ce domaine, encore une fois, une Nadia Khiari s'en sort avec nettement plus de finesse et d'humour: "Fin d'une république bananière grâce au suicide d'un vendeur de bananes. Il y a une justice", fait-elle ainsi dire à Willis.
Au final, c'est sur le "mur de libre expression" qui vient clore le parcours que l'on trouve, par la grâce d'un anonyme inspiré, le parfait résumé de cette exposition, avec ce joli "Tunisie mon amour, je ne veux pas être déçu, gardons les yeux ouverts, tout est à commencer"...

Dégagements... La Tunisie un an après.
Institut du Monde Arabe
1, rue des Fossés-Saint-Bernard, 75005 Paris
Métro: Jussieu ou Cardinal-Lemoine
Jusqu'au 1er avril 2012

2 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai moi même vu cette exposition. En voici mon décryptage, complémentaire à cet article:
http://www.immigration-news.fr/exposition-decryptage-la-tunisie-un-an-apres/

Jean-Noël Caussil a dit…

@Anonyme Merci pour le lien. Le site a l'air bien: j'y retournerai.