
Et j'ai eu tort. Pas tant à propos du classicisme de Clint: on ne va pas le changer à quasi 82 ans. Mais à propos de toutes les autres réserves. Cela commence mollement, pourtant: à coups de flashbacks un peu faciles, qui font craindre une construction sur le modèle, si mauvais, de celui de La Môme. J.Edgar Hoover, au soir de sa vie, dicte ses mémoires à des agents du FBI. Car oui, au fait, pour les plus ignares (oui, j'aime insulter mes lecteurs, pourquoi?), Hoover fut pendant 48 ans le big boss du FBI, et ce film retrace les grandes étapes de sa carrière, depuis ses premiers pas dans le sillage du procureur Palmer, dans l'immédiat après Première Guerre mondiale, jusqu'à sa mort en 1972.
On connaît le bonhomme, sa chasse quasi paranoïaque aux Bolchéviques (en même temps, en pleine Guerre Froide, difficile de faire autrement à un poste comme le sien...), sa passion pour les micros et les écoutes, sa manie des petites fiches sur tout et n'importe quoi... On sait aussi, du moins on se doute, que le petit J.Edgar tenait par les couilles tout ce qui détenait une once de pouvoir à Washington et ailleurs, Eleanor Roosevelt, les Kennedy, Martin Luther King, etc. : on ne survit pas à huit présidents des Etats-Unis sans avoir quelques gentils dossiers sous la main. Le film a l'intelligence de passer rapidement sur ces éléments pour mieux s'attarder sur l'essentiel. On pourra juste regretter, quand même, le passage sous silence absolu des liens, troubles, entretenus avec la Mafia...
Et l'essentiel, comme toujours, c'est ce qu'il reste quand on prend un peu la peine de gratouiller la carapace que chacun d'entre nous s'évertue à se construire, chaque jour. L'essentiel, c'est la faille, la souffrance initiale et jamais calmée qui nous ronge. Chez J.Edgar, elle a pour origine une homosexualité refoulée. L'homme ne s'aime pas, ne s'accepte pas. Sa soif de pouvoir et de reconnaissance n'en sera que plus grande. Une quête vaine et pathétique, que Clint Eastwood filme avec finesse. Loin d'être un film sur la conquête, sur le pouvoir ou sur la politique, J.Edgar est un film sur un amour impossible, sur la solitude d'un homme, au soir de sa vie. Quelque chose entre Brokeback Mountain et l'atmosphère des derniers livres de Philip Roth, pour faire simple. Donc triste, en somme.
J.Edgar Hoover a partagé plus de quarante ans de sa vie avec Clyde Tolson, dont il a fait son numéro 2 au FBI. Personne n'a jamais su si leur histoire d'amour fut réelle et consommée. Clint Eastwood ne tranche pas lui non plus, et c'est peut-être ce qu'il y a de pire: il laisse ses deux personnages dans un entre-deux pesant, alourdi par les non-dits. On a envie qu'ils se lâchent. Qu'ils fassent fi des conventions. Qu'ils roulent à terre et sous les draps. Qu'ils s'embrassent et qu'ils s'aiment.
Ils n'en font rien... Ils meurent sans avoir osé vivre. Sans jamais avoir ôté leur masque pour se montrer tels qu'ils étaient, humains. Ce n'est pas de leur faute. C'est de celle de la société. On croyait aller voir un biopic historique avec J.Edgar, on en ressort en ayant pris une claque "sociale". Du très grand Clint Eastwood, porté par un Leonardo di Caprio excellent, dont on a peine à croire qu'il ne soit pas proposé dans la shortlist des Oscars 2012.
Bilan: On peut s'en passer - Moyen - A voir! -Excellent - Attention, futur grand classique.
Note: 15/20
2 commentaires:
J'ai beau être nulle en histoire, je sais qui était Hoover (c'est parce que j'ai lu James Ellroy en fait)
Bien que j'aime beaucoup ce que fait Kil Ifood (comme disait ma grand-mère) la bande-annonce m'avait dissuadé de le voir + comme toi, marre des biopics. Mais là, excuse-moi pardon, Brokeback moutain (que j'avais adoré (comme à peu près tout le monde je crois)) + Philip Roth que je chéris mais tu peux pas savoir à quel point, là, comment dire, ça vaut peut-être la peine de changer d'avis
En fait, a posteriori (ça, si le latin t'excite, tu vas en avoir) (ben tiens) je ne suis plus aussi sûr de ce 15/20 (d'abord, pardon mais les notes, hein, c'est quand même très scolaire, et un peu con-con) (même chose pour les parenthèses). Disons que je m'attendais tellement à un film classique et plan-plan que j'ai été très agréablement surpris. De là à crier au chef-d'oeuvre, sans doute pas. Mais cette critique correspondait à ma surprise en sortant. Bonne surprise.
Enregistrer un commentaire