19 février 2012

"La Dame de Fer": un échec en plomb

Le film est mauvais, je n'ai rien contre Thatcher. Je préfère le dire d'emblée car, bien sûr, Maggie ne laisse pas indifférente. Un épisode de l'histoire trop récent pour être objectif. Trop clivant, aussi. En deux mots, trop politique. Pensez donc: Thatcher, le libéralisme exacerbé des années 1980 avec son grand copain Reagan! Forcément, alors, je me suis posé la question: aurais-je apprécié différemment La Dame de Fer si l'héroïne avait été, allez, lâchons le mot... de gauche?
La réponse, à tout bien peser, aurait été la même. Ce film est mauvais. Et il l'est essentiellement parce qu'il est lâche. La réalisatrice Phyllida Lloyd, visiblement apeurée par les aspects politiques et controversés du personnage, a choisi de les occulter complètement. Elle réussit ainsi l'exploit (et ce n'est pas un compliment) de faire un film sur Margaret Thatcher en évacuant d'un trait de plume - un mouvement de caméra ici, plutôt - ses onze années de pouvoir.
Lâcheté numéro 1, pour ne pas dire tromperie, que celle de faire un film sur Thatcher qui n'évoque rien de... la vie politique de Thatcher. La Dame de Fer campe une vieille femme malade et isolée, en bout de course, qui se souvient de ce qu'elle a été, et qu'elle n'est plus - on notera l'originalité du point de vue, déjà (soupirs)... Une pauvresse coupée de la réalité, qui palabre encore avec son mari défunt. Et vas-y que, partant de ce présent crépusculaire, on plonge dans de mauvais flashbacks, sans jamais rien creuser. On ne le dira jamais assez, mais le biopic est le degré zéro de l'imagination scénaristique.
A peine quelques esquisses de ses années de pouvoir, ô combien passionnantes, pourtant. Et par le petit bout de la lorgnette encore. La question sociale? Balayée par quelques images de mineurs grévistes dont on se demande bien pourquoi ils sont en colère. N'est pas Ken Loach qui veut, certes, mais, très chère Phyllida, personne ne t'obligeait à t'attaquer à un biopic sur Thatcher. S'y lancer cependant nécessitait, tout de même, d'aborder au moins de manière plus complète le bras de fer social et syndical. Pourquoi crois-tu qu'on l'ait surnommée la Dame de Fer, que diantre?
Pour ça et pour les Malouines, aussi. La guerre de 1982 contre l'Argentine est à peu près le seul passage plutôt bien traité. Pas difficile, en même temps: des images de guerre, dans un film, ça fait toujours bien... Je dis "plutôt bien traité"? Holà, je m'emballe, je m'emballe. Le quidam qui n'a jamais entendu parler des Malouines ne comprendra assurément rien à ce que lui raconte le film. Mais, avec un peu d'effort, on comprend que c'est là le point de bascule. La politique libérale de Thatcher, au pouvoir depuis trois ans, commence à laisser voir ses limites. Très impopulaire et malmenée par son propre camp, Margaret trouve avec cette guerre, dans un réflexe très churchilien d'inflexibilité qui plaît à son bon peuple, un regain de forme qui lui vaut d'être réélue dans la foulée.
Mais voilà que je me surprends à formuler une analyse politique. Ce que La Dame de Fer, lui, ne fait jamais, se contentant de laisser suggérer, vaguement. Par lâcheté, encore une fois, peur stupide de prendre parti... Pour ce film, qui est censé traiter du naufrage de la vieillesse finalement, Phyllida Lloyd aurait pu s'appuyer sur n'importe quelle vie de n'importe quelle petite vieille de n'importe quel pays. Cela en aurait été plus fort, ouvrant plus grand le champ des possibles, comme on dit. En revanche, avec Margaret Thatcher, prisonnière d'un personnage historique qu'elle n'a pas osé utiliser, la réalisatrice se trouve bien engoncée. Au final, du vide, encore du vide. Et, pour ma part, de la colère car, au-delà d'un film raté, c'est quasi une escroquerie: on attire les spectateurs en salles avec le nom de Thatcher pour leur livrer une bouse infâme, ni faite ni à faire. Cela manque clairement d'ambition, de travail.
Un petit mot, aussi, sur Meryl Streep... Encensée partout, "goldenglobisée" et peut-être bientôt oscarisée pour son rôle dans le film. Excellente actrice, bien sûr mais, ici, ventre-saint-gris, rien de très impressionnant: de même qu'un biopic ne fait pas un scénario, une transformation physique ne fait pas un jeu d'actrice. Décevant sur tout la ligne, La Dame de Fer.
Bilan: On peut s'en passer - Moyen - A voir! -Excellent - Attention, futur grand classique.
Note: 07/20

Quelques liens, pour finir, sur ces années Thatcher, que le film, en dépit de son titre, laisse complètement de côté.
Alexandre Adler, d'abord, avec un petit film sur "Thatcher et Reagan: révolution libérale et victoire de la guerre froide". Pas forcément très complet, mais pas si mal pour brosser à grands traits ce qu'était l'époque.

1 commentaire:

Ada a dit…

Idem que pour Hoover (j'ai oublié le titre mais tu vois), marre des biopics. Mais j'aime Streep en général. Je n'y suis pas allée et tu m'ôtes tout regret