03 mars 2016

Je ne suis pas un salaud : un très bon Duvauchelle ne fait pas un grand film

Film noir, Je ne suis pas un salaud donne à Nicolas Duvauchelle un grand rôle. Mais un grand rôle ne fait pas forcément un grand film. Le chemin de croix de son personnage est trop linéaire et balisé pour qu'on y adhère complètement.


Légèreté et grosse poilade au menu avec Je ne suis pas un salaud... Ambiance pouet-pouet et cotillons... Naaaaaaaan, on déconne. C'est tout le contraire. Oppressant et sombre, ce film d'Emmanuel Finkiel vient gentiment nous signifier que noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir. Plein de rage rentrée, il déroule le scénario implacable d'une descente aux enfers dont il n'y a pas d'issue. Il donne surtout à Nicolas Duvauchelle un rôle fort, qui lui colle assez parfaitement à la peau.

Rien ne va plus pour Eddie

Duvauchelle incarne Eddie, un jeune trentenaire middle class en complète perdition, qu'un chômage bien trop long a rendu aigri. Aigri et un chouïa dépressif. Aigri, un chouïa dépressif et alcoolique... Bref, Eddie ne va pas bien du tout. Séparé de sa femme Karine (Mélanie Thierry), il ne voit plus guère son fils, et s'engage dans une tournée des bars du coin pour passer le temps. Cela et, aussi, quelques formations Pôle Emploi, histoire de dire...
Comme, forcément, la merde attire la merde, le voilà un beau soir attaqué en pleine rue. Quelques coups de tatanes dans la gueule, un tournevis planté dans le dos et puis, à la volée, ce prénom, Ahmed, entendu prononcé par ses agresseurs.

La rage façon middle class

Allez savoir, alors, ce qu'il se passe dans sa petite tête. C'est comme si sa vie, soudain, lui échappait pour de bon. Emporté dans un tourbillon qu'il ne maîtrise pas, il entrevoit la rédemption avec Karine qui, touchée par sa détresse, l'accepte à nouveau à ses côtés.
Va-t-il basculer dans le camp du bonheur retrouvé ? C'est visiblement déstabilisant pour lui. Car, autre point de la balance, ce côté sombre qui l'accable et ne le quitte plus. Eddie retrouve un travail, un semblant de stabilité mais, malgré tout, sa haine, sa rage, est toujours là.
Au premier plan, une clope.
Au second, Duvauchelle.
Il vaut bien mieux que ce petit boulot de manutentionnaire dans ce magasin de meubles, après tout. Et pourquoi, d'ailleurs, ce gros con, là, dans le rayon TV, peut se payer la référence dernier cri quand lui peut juste regarder... La vie est injuste, bordel. Pourquoi doit-il obéir à ce connard de chef ? Et puis pourquoi on l'a agressé, aussi ?

Ahmed en coupable idéal

Eddie, perdu, en vient à accuser à tort un certain Ahmed, coupable idéal cueilli par la police, dont le visage lui dit quelque-chose. Est-il conscient, alors, de l'erreur qu'il commet ? Eddie reconnaît formellement son agresseur. La machine judiciaire s'emballe. Enfin, la roue tourne : c'est contre un autre que le sort s'acharne.
Cela ne l'apaise pas pour autant, Eddie, ça non. C'est même de pire en pire. Cette violence qu'il ne parvient plus à maîtriser. Cette hargne qui explose, le consume à petit feu, explose à sa gueule et à celle de ses proches. C'est le remords qui le tenaille. Comment va-t-il réagir, alors ?
On le voit, tout tourne autour d'Eddie. Donc autour de Duvauchelle. Il est très bon, crédible. Là-dessus, rien à redire. Pour autant, on n'est embarqué vraiment dans la tourmente que dans la seconde moitié du film. Comme si, auparavant, il y avait quelque chose qui bloquait, qui clochait... 

Un chemin de croix trop balisé
Bah ouais, Duvauchelle encore...
Mais puisque tout tourne autour de lui,
c'est difficile de faire autrement.

Pour dire les choses crûment : il manque quelque-chose pour emporter l'adhésion. On glisse trop longtemps au-dessus de la mêlée, spectateur, sans être aspiré dans la tourmente comme, pourtant, on en aurait envie.
Le problème, c'est Mélanie Thierry. Son rôle, plutôt. Trop fade. Surfait. Cette faiblesse nuit à l'ensemble. Même chose avec les autres protagonistes, le patron, Ahmed, etc. Tous de simples figurants qui n'ont pas la dimension nécessaire pour porter Duvauchelle.
Et Duvauchelle, parlons-en. Bon, on l'a dit. Avec un rôle qui lui va bien, colle à sa gueule et à sa trempe. Mais son personnage n'est pas exempt de défaut. Son chemin de croix est trop lisse. Sa chute trop linéaire, trop balisée. Si l'interprétation est belle, forte, le fond, lui, manque assez cruellement de relief. 



Bilan : On peut s'en passer - Moyen - A voir - Excellent
Note : 10/20 

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