14 février 2016

Steve Jobs fait bien le job

Biopic très théâtral, construit en trois actes, ce Steve Jobs de Danny Boyle, qui nous faisait peur sur le papier, nous a très agréablement surpris. Malin, évitant les écueils du genre, il livre un portrait subtil et intelligent du cofondateur d'Apple.


Un biopic ? Mouais... Sur Steve Jobs ? Pfff... Ce n'est pas franchement l'enthousiasme qui nous a conduits en salles. Plutôt la curiosité. On avait lu la biographie d'Isaacson, et l'avait trouvée géniale. Tellement riche, aussi. Comment en tirer quelque chose de bien ? Comment réussir à faire le tri ? Et puis on avait été échaudé par le sinistre Jobs de 2013, avec Ashton Kutcher.
Tout cela pour dire qu'on n'y croyait pas trop. Et puis voilà que, sous nos yeux, se déroule finalement un film diablement intelligent. Jolie surprise. Un biopic qui ne cède pas aux facilités du flashback. Un biopic qui n'entend pas tout dire, tout faire comprendre, bien tout baliser et passer en revue...
Merci Danny Boyle. Merci Michael Fassbender, qui incarne un très (in)humain Steve Jobs et, surtout, merci Kate Winslet, qui est une incroyable Joanna Hoffman, la directrice marketing, amie et fidèle accompagnatrice du big boss. De tous les acteurs, d'ailleurs, c'est elle qui nous a le plus marqués.

En film, très théâtral, construit en trois actes
Quand Michael Fassbender fait le Job(s)...

Bon, Jobs, Apple, Mac, pas besoin d'en faire des tonnes, l'histoire est connue. L'intérêt de ce film est dans sa construction, maligne. Trois moments clés de la vie de l'entreprise et de celle de Steve Jobs, le lancement de Macintosh, en 1984, du Cube NeXt en 1988, puis de l'iMac en 1998. Et trois constructions très théâtrales pour les mettre en scène. A chaque fois dans les coulisses, quelques minutes avant le début des "keynotes", à y suivre Jobs et tous ceux qui gravitent autour de lui.
C'est très bavard, mais prenant. On y croise Wozniak, cofondateur d'Apple avec Jobs, John Sculley (Jeff Daniels), Pdg d'Apple, ou encore Chrisann Brennan (Katherine Waterston), avec qui Jobs a eu une fille, Lisa, qu'il n'accepte ni ne reconnaît. Ces trois huis-clos successifs mêlent gentiment business (problèmes techniques de dernières minutes à régler dans l'urgence) et vie perso (les rapports, qu'on qualifiera pudiquement de difficiles, de Jobs avec sa fille).
Il est intéressant, d'ailleurs, de constater que de la famille officielle il n'est en revanche jamais question. De même qu'il est intéressant, aussi, de voir que ces moments clés sont quasi tous conclus par des échecs commerciaux cuisants. Bref, les partis pris sont nombreux et pleinement assumés. Quiconque s'attend un à biopic classique sera déçu. mais comme les biopics classiques déçoivent, nous, on est plutôt contents.

Kate Winslet, franchement éblouissante.
Si Fassbender fait le Job(s), c'est Kate Winslet qui emporte surtout l'adhésion

Il faut juste savoir où l'on met les pieds : si c'est apprendre des choses sur Jobs qui vous intéressent, prière de lire Isaacson. Si vous avez un peu de ce background, alors pas de problème : vous y suivrez avec délectation ce portrait intimiste, sans doute assez loin de la réalité, de Jobs et de sa bande. C'est du cinéma après tout, et pas une biographie.
Du coup, puisque c'est du cinéma, parlons-en un peu... On a déjà parlé de la mise en scène, avec ces trois huis-clos intelligents. On doit dire un mot de plus, aussi, de la force des dialogues, nombreux et bavards. Tellement bavards qu'on s'y perd un peu, parfois. Mais cette profusion sert le message : on est dans l'urgence d'une keynote à venir ; d'une vie que l'on brûle. Normal que cela fuse, s'énerve, s'agace, se montre cassant et hausse le ton. C'est sans cesse entre le machiavélique et le très humain, glissant de l'un à l'autre en une fraction de seconde.
Dans ce contexte, Michael Fassbender fait bien le job du Jobs. Complexe comme il faut, secret, incarnant avec justesse le concept, délicat, de génie à qui on a parfois envie de foutre des baffes. Mais, surtout, c'est Kate Winslet qui force le respect. Omniprésente, toujours dans l'ombre ou les pas de Jobs, elle est la cérébrale du film, calmant et cornaquant son génie de patron. Pour nous, de loin, c'est elle la lumière de ce film.

  

Bilan : On peut s'en passer - Moyen - A voir - Excellent
Note : 13/20

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