28 août 2014

"Obvious Child" : un ton juste, au plus près du réel

Film américain à petit budget, Obvious Child, qui traite notamment de la question de l'avortement, sait trouver le ton juste pour en parler. Pas tant dans sa réalisation, un peu trop classique, mais dans son écriture et, surtout, le jeu, touchant de naturel, de Jenny Slate.


En s'attaquant à la bonne vieille comédie romantique à l'Américaine, Gillian Robespierre, avec un nom comme le sien, ne pouvait qu'en révolutionner le genre. C'est chose faite avec Obvious Child, film indépendant à petit budget qui, bien que fait avec trois bouts de ficelle, ne manque franchement pas d'intérêt.
On préfère d'emblée insister sur ces petits moyens, car ils pourraient en dérouter plus d'un. Disons qu'il faut aimer un peu l'austérité. Mais, en même temps, on a comme qui dirait l'impression que, au cinéma comme ailleurs, il va bien falloir commencer à s'y habituer, non? Pour nous, cela rajoute au charme - et on parle bien du film.

Au plus près du réel, loin des stars ripolinées d'Hollywood

C'est touchant car sans fioritures. Donc au plus près de la réalité. Des réalités, même. Celle des situations de la vie quotidienne les plus banales, comme celle des personnages, traités sans artifice, ni sur le fond (leur caractère), ni sur la forme (leur tronche). En clair, pour dire les choses autrement, on est assez loin, et c'est tant mieux, des stars botoxées et ripolinées d'Hollywood.
De faux airs de Valérie Lemercier pour Jenny Slate,
au demeurant très touchante et vraie dans le rôle.
Obvious Child nous narre la vie, tout sauf charmante, de Donna Stern (Jenny Slate), jeune humoriste de stand-up le soir, et vendeuse dans une petite librairie de quartier le jour. Donna est du genre espiègle (oui, on aime les mots un peu surannés ici), bien dans ses baskets, pour ne pas dire décontractée du gland (on aime aussi les allusions fines, c'est vrai, aussi).
Bref, sa vie, sans être transcendante, s'écoule plutôt paisiblement. Du genre carpe diem et qui vivra verra. Sauf que voilà, patatras et autres carabistouilles (c'est un festival de mots à la con, on en convient), la pauvre gourgandine (sans commentaire) se fait larguer comme une merde et, comble du malheur, perd son taf.

Coucou, c'est moi, le coup d'un soir...
Un coup d'un soir aux terribles conséquences

Cela fait beaucoup? Vous n'avez encore rien vu... Comme toute personne saine d'esprit dans une telle situation, que croyez-vous qu'elle fasse? Bingo! Elle se saoule comme une grande dans un bar et se tape le premier venu.
Bon, une chance pour elle, elle tombe sur un gars plutôt sympathique. Voire, osons le dire, un peu con-con. Mais ça change du bad boy habituel, et on ne va pas s'en plaindre. Max il s'appelle, le gars, joué par Jake Lacy. C'est un jeune étudiant coincé qui, visiblement, a encore un peu de mal avec le concept de préservatif.
Car oui, ça y est, nous y voilà : ce petit coup d'un soir va déboucher, neuf mois plus tard, sur le magnifique miracle de la vie... C'est-y pas mignon tout ça? Ben non justement, c'est tout sauf mignon. C'est une grosse catastrophe au contraire.
Cela ne va pas fort, hein?
Vous aimeriez, vous, être enceinte après avoir tiré un coup - dont vous ne vous souvenez même pas - avec un inconnu - dont vous voudriez ne plus vous souvenir? Ben Donna c'est pareil. Et c'est cela, ses atermoiements et ses déchirements personnels que l'on suit dans Obvious Child. Que dois-je faire de ce putain de chiard dont je ne veux pas, bordel?!

Mention très spéciale à Jenny Slate

Avec cette trame, on peut glisser facilement des rires aux larmes, de la comédie pure au drame. Gillian Robespierre reste dans un mi-chemin qui n'est pas déplaisant. Qui change, surtout. On ne s'esclaffe pas toutes les trois scènes, mais on ne tombe pas dans le pathos non plus.
L'approche choisie par Robespierre a quelque chose de sain, de juste - ah ah ah Saint-Just, il fallait la placer celle-là, on n'est pas peu fier. On est en plein dans le cinéma du réel, avec des héros qui n'en sont pas mais qui, justement, s'en montrent d'autant plus attachants.
Gillian Robespierre, en dépit
d'une réalisation très classique,
sait trouver le ton juste.
C'est franchement le cas de Jenny Slate, qui incarne Donna. On aurait envie de la comparer à Valérie Lemercier et, dans notre bouche, c'est plutôt un compliment. Toujours est-il qu'elle joue "juste" et que, chez elle, tout sonne vrai. C'est un peu moins le cas de Jake Lacy, Max à l'écran, mais c'est surtout dû à son rôle. Max est en effet sacrément niais et, disons-le, visiblement pas complètement fini. Un peu tendre, en somme.

Une réalisation un peu tendre mais sympathique

Comme l'est, aussi - un peu tendre - la réalisation. Si vous cherchez de grandes trouvailles scénaristiques et de mise en scène, alors passez votre tour. Pour autant, si cet Obvious Child est très classique dans sa conception, il reste intéressant. Ne serait-ce que pour promouvoir ces petits films qui, mine de rien, en s'engageant hors des sentiers battus d'Hollywood, apportent un joli souffle d'air pur au cinéma.
Si ce n'est pas le chef-d'oeuvre du siècle, ni même de l'année, c'est malgré tout une plutôt bonne comédie romantique, bien ficelée, avec quelques dialogues savoureux, des scènes qui sentent le vrai, le vécu et, surtout, une Jenny Slate qui emporte l'adhésion par son naturel. Franchement pas si mal, donc. 



Bilan : On peut s'en passer - Moyen - A voir - Excellent
Note : 10/20

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