24 juillet 2014

"Boyhood" : douze ans d'une enfance qui file pour un film magique

Boyhood, pour qui veut bien se laisser aller à la nostalgie, est un petit bijou de film. On y suit, sur douze années - mais vraiment sur douze ans, à raison d'une semaine de tournage par an - la vie d'une famille lambda. La vie qui passe. L'enfance qui s'envole. Magique.


L'idée est géniale. Un tournage qui court sur douze longues années, à raison d'une semaine de prises de vues à chaque fois. Et donc, sous nos yeux ébahis, les héros qui vieillissent, ou grandissent, pour de vrai. Oui, pour de vrai. Et oui, surtout, devant nos yeux ébahis. Boyhood est une merveille de film. L'un de ces trop rares long-métrages dont on se dit : "Ah oui, quand même!".
Oui, oui, "ah oui quand même!" car, sachez-le, on a le sang de la formule choc ici. Plus sérieusement, on était séduit, initialement, par l'idée. On trouvait complètement fou. On voulait voir ce que cela pouvait donner tout au long des 2h45 de film.

On se surprend à compter les années

Et alors, et alors, vous demandez-vous, au bord de l'apoplexie? Alors, sans surprise, 2h45, c'est beaucoup trop long... Mais, pour une fois, cela n'a rien de préjudiciable. Un peu, quand même. Mais pas trop. Le rendu est si subtil, à l'écran, qu'on ne peut qu'être emballé par ce que l'on voit.
Ah ça mon bon monsieur, à cet âge-là on change vite hein.
On se surprend d'abord, c'est bête mais c'est ainsi, à compter les années qui se succèdent. Douze, le compte est bon, on les a toutes repérées. Pas si simple, hein, car, un grand, un immense merci au réalisateur Richard Linklater, on ne nous aide pas sur ce coup-là. On pouvait craindre des chapitrages, pour bien séparer le tout. On n'en a pas, et c'est foutrement tant mieux. Cela signifie, en clair, ô joie, que cette idée du tournage étalé sur douze ans ne fait pas le film. C'est son idée de base, certes, mais ce n'est pas sa construction, ce sur quoi il s'assoit, uniquement.

Une famille normale, qui vit des trucs normaux

C'est Ellar Coltrane quii joue le rôle de Mason.
Un acteur à suivre même si on pressent
que ce ne sera pasfacile pour lui.
Qu'on s'entende, le film est linéaire, chronologique, mais on suit surtout la vie d'une famille américaine lambda - middle class disons, plutôt middle class du bas même. Des durs au mal, des besogneux, des travailleurs, des "qui n'en veulent" et des qui respectent la loi et croient aux vertus de l'éducation, du travail et de l'effort.
Une famille normale, en somme. Qui vit des trucs normaux. Ruptures amoureuses, rencontres, mariages, divorces pour madame. Entrée dans l'adolescence, premiers émois, premières claques dans la gueule et arrivée à l'âge adulte pour le fiston et la fistonne (oui, fistonne, si ça nous chante, oui).
Cette "normalité", on en convient, n'a rien de bien engageant. On se dit alors que le film tient essentiellement par son mode de tournage original. C'est en partie vrai, mais en partie seulement. Et, pas plus tard que maintenant, on va essayer de vous dire pourquoi.
D'abord, évacuons le jugement final d'emblée : Boyhood n'est pas un chef-d'oeuvre. Dans le sens où on ne le regardera sans doute plus dans cinq ou dix ans, voire avant. Pour autant, c'est un très bon film. Seuls quelques longueurs et quelques passages un peu mou du genou nous empêchent même de le qualifier d'excellent.

Transformations physiques "pour de vrai"
La performance de Patricia Arquette
est franchement remarquable.

Va pour très bon, alors. Parce qu'on a le sentiment de vivre un vrai grand moment de cinéma. D'assister à un truc dingue. Et ça l'est, dingue, ça oui. Il faut voir les deux enfants, Mason (Ellar Coltrane) et Samantha (Loreleï Linklater) grandir et se transformer physiquement pendant ces quasi 3h de film. Cela a quelque chose de touchant, de sensible.
C'est sans fard, ils passent par leurs années ingrates, eux aussi, et c'est filmé. Surtout, le scénario n'est pas négligé et le film ne tient heureusement pas que grâce à ce vieillissement en direct. Les enchaînements sont logiques et l'histoire de cette famille américaine est belle. Belle parce que quelconque. Disons donc que, forcément, on s'y reconnaît, on s'y attache. Pas de crimes, pas de sang, pas trop de pleurs, non. Juste la vie qui passe, doucement, plus ou moins sereinement et agréablement. Avec d'ailleurs, en fin de film, un dialogue qui sonne sur le sens de la vie

Le sens de la vie, le putain de sens de la vie...

On est en plein dedans. Le temps file, la transformation physique, et naturelle des acteurs est là pour le montrer, et la banalité de l'histoire est là pour nous interroger sur le sens de tout ça. Réponse : au cinéma comme dans la vraie vie, personne n'en sait foutrement rien, mais ce n'est pas une raison pour ne pas continuer quand même.
A ce propos, un mot, surtout, de la performance de Patricia Arquette, qui joue le rôle de la mère, Olivia. Une grande et belle claque que celle que nous donne Patricia Arquette. Elle est d'une vérité assez folle dans chacune des scènes. Touchante quand elle s'acharne à faire vivre ses enfants convenablement. Agaçante quand elle s'échine à ne tomber amoureuse que de sombres crétins. Et, enfin, putain d'émouvante quand elle craque le jour où ses enfants quittent le nid familial. C'en est fini alors, pense-t-elle, de son rôle sur cette Terre. C'est beau. C'est juste. Le répétez pas mais ça nous a fait titiller le liquide lacrymal. Boyhood c'est un joli morceau de nostalgie. Et c'est à voir. 


Bilan : On peut s'en passer - Moyen - A voir - Excellent
Note : 15/20

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