
L'une des explications consisterait à reconnaître que je suis devenu l'un de ces intellos chiants - ou se croyant intellos, ce qui est pire - qui pullulent par ces temps obscurs. A lire quelques-unes des précédentes critiques, on pourrait le penser. Et donc en conclure que j'ai voulu m'acheter une conscience populaire en allant voir le Marsupilami. Avec, c'était couru d'avance, un humour trop ras des pâquerettes pour plaire au bobo coincé du derche que je serais devenu.
Oui.
Mais non.
J'en veux pour preuve que je chéris Alain Chabat depuis Les Nuls. Que j'ai adoré La Cité de la peur. Que je trouve qu'il s'est bien démerdé avec Astérix et Obélix: mission Cléopâtre. Et que, même, j'ai trouvé RRRrrrr!!! pas si mauvais que ça. Je revendique donc ma part de Chabatolâtrie. Mais là, j'avoue, j'ai du mal à me mêler aux concerts de louanges qui accompagnent son Marsupilami (1,7 million d'entrées la 1ère semaine, tout de même!).
Le film part dans tous les sens, et il faut trop trier pour pouvoir dire que c'est bon. Dan Geraldo, joué par Alain Chabat, est un reporter vedette dont l'émission, en perte de vitesse, n'est pas loin de se voir qualifiée d'accident industriel par les patrons de la chaîne. On l'envoie donc à la chasse au scoop, en Palombie, où il doit interviewer le chef de la tribu des Payas. Pour l'aider, son contact dans le pays se nomme Pablito, un guide gentiment roublard, vaguement escroc à ses heures perdues. On l'aura compris, Pablito est joué par Jamel qui, tout au long du film, nous fait du... Jamel. C'est-à-dire qu'il en fait des tonnes, qu'on a l'impression d'avoir vu les mêmes vannes dix fois déjà, mais que ça passe parce que c'est lui, et qu'il est bon, sacrément bon, ce putain de Jamel.
Tout le début est quasi à jeter: il faut attendre une bonne grosse demi-heure pour voir enfin le duo Chabat-Jamel se former. Or, bien sûr, c'est lui qui tient le film. La scène de danse, chez les Payas, si elle est esthétique et colorée, est beaucoup trop longue, et n'apporte rien au scénario. Seule, parmi les scènes complètement barrées, celle où Lambert Wilson, en dictateur fan de Céline Dion, se lance dans un play-back d'un des grands tubes de la grande Céline, robe moulante et perruque à l'appui, est vraiment réussie. La fin du film, elle aussi, sauve un peu l'ensemble, dans la mesure où un semblant de scénario y est suivi. Ce qui permet, in fine, d'avoir un peu l'impression de retomber sur ses pieds. Mais au prix de quelles contorsions...
Le souci - mais je pense que Chabat arrivant ici y verrait lui plutôt un compliment - c'est que ce Marsupilami reste incroyablement ancré dans un univers de bande-dessinée. C'est vrai pour les couleurs, saturées; c'est vrai pour les personnages, la manière dont ils sont croqués et dont ils évoluent. Le savant fou qui rajeunit, incarné par Fred Testot, est à ce titre un exemple d'école: ses scènes auraient été dessinées, et pas jouées, cela aurait été pareil. Même chose pour le rôle de flic de Patrick Timsit. Ce n'est certes pas très gentil pour les qualités d'acteur de ces deux-là, mais c'est pourtant vrai. On se retrouve très vite plongé dans un film d'animation, très (trop!) respectueux des codes d'origine. Or si une bonne BD faisait un bon film, cela commencerait à se savoir. Demandez à Jean Dujardin, Vincent Cassel ou Michael Youn.
C'est d'autant plus étrange que Chabat, fan de BD, connaît bien cet écueil. Et qu'il avait joyeusement réussi à l'éviter avec son Astérix et Cléopâtre. A l'époque, il avait dépoussiéré le genre, en n'hésitant pas à tordre son sujet pour le faire cadrer aux critères cinématographiques (plus de vannes, plus de rythmes, plus de grands spectacles, pour faire simple). Certes, Uderzo, de plus en plus ronchon avec l'âge, en avait pris ombrage, et s'était empressé, pour l'adaptation suivante, de serrer la vis, en contrôlant tout le casting. Avec le succès qu'on connaît, Astérix aux Jeux Olympiques s'avérant comme l'une des pires choses pondues depuis longtemps en France.
Tout cela pour dire qu'avec son Marsupilami, Chabat, peut-être trop intimidé par l'oeuvre de Franquin - il est vrai géniale - n'a pas osé, ou pas pu s'extraire des codes originels de la BD. Il aurait fallu, pourtant, pour donner plus de force et de rythme à un film qui, au final, reste sinon raté, du moins décevant.
Bilan: On peut s'en passer - Moyen - A voir! -Excellent - Attention, futur grand classique.
Note: 09/20
2 commentaires:
Eh bien pas d'accord du tout. Au vu de la bande annonce je m'étais dit que je n'irais sûrement pas le voir, ça avait l'air tout pourri et j'ai un principe, que je viole régulièrement mais bon tu le répèteras pas, c'est de ne pas aller voir les adaptations des bouquins que j'ai lus...Et puis les aléas de mes disponibilités et des séances ont fait que c'était ça ou rien. Alors est-ce parce que je ne m'attendais à rien que j'ai été si heureusement surprise ? Possible. En tout cas j'ai ri plein plein de fois, l'oreille violée bien sûr, mais aussi les dialogues (c'était une métaphore...ah c'est une femelle ?, pour n'en citer qu'une), le ola de Chabat quand il entre en cellule, les gardienas, gardenias, enfin plein de petits détails comme ça qui, mis bout à bout, font que j'ai vraiment kiffé. Moi aussi je chéris Chabat et je trouve qu'il a fait là du bon Chabat, ce mec est stylé et j'aime son style. Mais j'aime aussi le tien et ta critique est bonne, sauf que je ne suis pas d'accord.
Ah mais tu as bien le droit de ne pas être d'accord (manquerait plus que ça, tiens!). Peut-être mets-je Chabat sur un piédestal? Je m'attendais à plus subtil, plus fin. J'ai trouvé parfois les vannes un peu paresseuses. En-deça de son talent.
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