27 avril 2014

"Mousquetaires" : une exposition qui donne envie de relire Dumas

Le musée de l'Armée mêle intelligemment l'histoire des Mousquetaires, les vrais, à la fiction créée par Dumas. Un parcours ludique, qui sait utiliser les vertus des technologies interactives, pour nous plonger, l'espace d'une heure ou deux, dans les plus belles heures du Grand Siècle.


Des Mousquetaires, les vrais, il ne reste rien, ou presque. En tous cas, aussi étonnant que cela paraisse, plus de trace, originale, de leur uniforme à casaque bleue avec croix fleurdelisées. Rien que des costumes de théâtre. Et rien d'autre, surtout, que le souvenir laissé par les écrits de Dumas.
Impossible, alors, de concevoir une exposition sur ces Mousquetaires, corps d'armée créé en 1622 par Louis XIII, et directement rattaché à lui, sans évoquer Les Trois Mousquetaires, Vingt ans après et le Vicomte de Bragelonne. Le musée de l'Armée, aux Invalides, mêle donc les deux. Le vrai et le faux. La réalité du XVIIème siècle et la fiction du XIXème siècle.

Une expo qui donne envie de relire Dumas

Une belle et intéressante plongée
dans le Grand Siècle.
Un parallèle parfaitement réussi, qui nous replonge avec délices dans cette époque du Grand Siècle et, mieux encore, donne envie de relire Dumas. Une exposition qui, c'est suffisamment rare pour être souligné, parvient également à intelligemment intégrer les technologies modernes, interactives, dans son parcours. C'est ainsi un bonheur que de pouvoir jouer - le mot est le bon - avec cette tablette permettant d'accéder à des cartes de Paris datant de 1620, 1840 et 2014 : une jolie manière de voir, concrètement, où se déroulaient les actions décrites par Dumas.
Enfin... de Dumas. De Dumas et de Maquet, Auguste de son prénom. Ci-devant nègre officiel d'Alexandre. Plus que son nègre, d'ailleurs, son collaborateur : à Maquet la première ébauche du texte, et à Dumas le rôle d'enrichir l'intrigue et de corriger les dialogues. De donner du souffle et du génie à l'ensemble, en somme.
Richelieu, vu par le peintre Motte (détail).
Marrant, ainsi, de voir les cahiers manuscrits des deux hommes rassemblés. Maquet écrivait sur un petit cahier. Dumas sur un grand. Faut-il y voir un quelconque rapport d'ego ? Allez savoir. Quasi pas de ratures, chez Dumas, ce qui ne manque pas d'étonner.

Les enfants sont formidables (mais un peu chiants)

Les Trois Mousquetaires a commencé à paraître, en feuilleton, dans le journal La Siècle, le 14 mars 1844. On en a le premier épisode sous les yeux aux Invalides. Dumas, soucieux de rester au plus près de la vérité historique, a minutieusement préparé son coup. Il a lu La Rochefoucauld et Brienne. Il a dévoré les Mémoires de M. d'Artagnan, de Gatien de Sandras. Il sait qu'il tient-là quelque-chose de grand. Avec tous les ingrédients d'un merveilleux roman. Louis XIII, Richelieu, Mazarin, Louis XIV, Anne d'Autriche, la Fronde, Fouquet, d'Artagnan, les Mousquetaires, Milady, l'affaires des Ferrets de la reine. Une trame dramatique inépuisable.
Richelieu, par Philippe de Champaigne.
La 3d de l'époque, puisque ces trois portraits
étaient destinés à donner des indications
au sculpteur Le Bernin, pour son buste
de Richelieu, aujourd'hui au Louvre.
L'exposition revient sur tout cela. Avec une approche très ludique. Parfois très enfantine. Mais, au moins, chacun peut y trouver son compte, et ça c'est bien. Un gros bémol, quand même, avec cette animation voulant recréer un duel à l'épée. "Tapez dans vos mains pour commencer le combat" est-il écrit... Les enfants, qui sont certes formidables, mais savent aussi parfois être un petit peu chiants, ont bien compris le message. Et les voilà qui ne se privent pas, encore et encore, de taper dans leurs mignonnes menottes (qu'on aimerait, pour l'occasion, voir justement menottées)... C'est un festival de "clap clap" qui n'en finit plus. Un brin lassant à la longue, il faut avouer.

Gloire au cadets de Gascogne

Pour le reste, on s'amuse vraiment à constater que d'Artagnan a réellement existé (ça on le savait), mais aussi Athos, Porthos (Portau) et Aramis (Aramitz). Tous des "cadets" de Gascogne, fils puînés de la petite noblesse, qui n'ont aucun héritage à attendre, et qui, vers 15 ou 16 ans, "montent" à Paris pour y "prendre du service". L'armée est alors la seule voie possible, pour faire carrière.
D'Artagnan, vu par Gustave Doré.
Maquette pour le monument érigé
à la gloire de Dumas, à Paris.
Et cela tombe bien, le corps des Mousquetaires du roi vient justement d'être créé. Un corps de soldats, armés de mousquets - d'où leur nom - entièrement au service du roi, qui est leur capitaine. C'est dire le prestige qui en découle. Quiconque entre chez les Mousquetaires devient ainsi forcément quelqu'un. Un homme, un vrai. C'est-à-dire formé à l'art de la guerre, bien sûr, mais pas seulement : à l'équitation, à l'escrime; et même à la danse et aux lettres. Plus qu'un homme, donc : un gentilhomme.

Rubens est dans la place

Parmi eux, Charles de Batz. Né vers 1612, en Gascogne, il entre dès 1633 dans la compagnie des Mousquetaires, avant de prendre le nom de sa mère, d'Artagnan, et de mener une glorieuse carrière. L'arrestation de Fouquet, en 1661. Puis sa nomination au grade de maréchal de camp, en 1672. Avant, enfin, sa mort, en héros, lors du siège de Maastricht, en 1673.
Un d'Artagnan dont on ne sait pas grand-chose. Pas un portrait de lui, qui soit clairement identifiable. Rien. Mais qu'importe. La légende, grâce à Dumas, a depuis fait le reste. D'Artagnan, c'est les Mousquetaires, et les Mousquetaires, c'est d'Artagnan.
La petite histoire au contact de la grande. Milady qu'on retrouve, réelle, sous les traits de la comtesse de Carlisle. Rubens qu'on voit arriver ici sans qu'on s'y attende. Ses portraits de Louis XIII, d'Anne d'Autriche et du duc de Buckingham qui trônent dans les salles de l'exposition, et viennent nous rappeler que l'affaire des Ferrets a bel et bien existé.
Une jolie collection d'armures.
Dont celle de Louis XIII (26 kilos)
et celle de Richelieu (47 kilos).

Une armure de 47 kilos pour Richelieu

Des armes, enfin, un peu partout. Des mousquets, gigantesques et si difficiles à manier. Des épées, aussi. Des épées de toutes tailles, y compris des épées de chevet, à glisser sous le lit dans l'attente, anxieuse, d'une attaque nocturne. Et des armures. Celle de Louis XIII - 26 kilos - et celle, plus impressionnante encore, de Richelieu - 47 kilos sur la balance.
Moult tableaux, aussi, qui montrent que, très vite, la légende s'empare de la réalité. Il faut voir ce Richelieu sur la digue de La Rochelle, peint par Henri-Paul Motte, en 1881. Pas grand-chose à voir avec l'exactitude historique, assurément, mais tout, en revanche, avec l'imaginaire collectif.
On en ressort sans forcément avoir appris grand-chose sur les Mousquetaires en eux-mêmes. Un peu, quand même : le corps des Mousquetaires, destiné à accompagner le roi partout, combat sur tous les champs de bataille du XVIIème siècle. Mais, dès lors qu'à partir de 1693 Louis XIV cesse de "venir aux armées", les Mousquetaires glissent petit à petit au rang de simple service de garde et de prestige. Le corps est supprimé, pour raisons économiques (déjà!) en 1775, avant de renaître, de manière très éphémère, en 1815.
Mais, surtout, on en ressort en ayant, l'espace d'une heure ou deux, fait un petit et délicieux voyage dans le temps. Rien que pour cela, cela vaut le coup d'oeil.

Mousquetaires !
Musée de l'armée
Esplanade des Invalides
Paris,
Jusqu'au 14 juillet 2014.

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