
Comme toujours, les études sérieuses ont beau démentir, rien n'y fait: ces thèses farfelues gardent leurs adeptes. Et après tout, pourquoi pas? A qui cela fait-il de mal de laisser ainsi l'imaginaire triompher? En tout cas pas au cinéma, n'en déplaise aux critiques qui, pour l'essentiel, sont tombés à bras raccourcis sur ce film. Certes, ce ne sont plus des boulevards mais des autoroutes (et des grosses encore: du bon 2x4 voies!) que Roland Emmerich prend avec la véracité historique, le plus énorme étant sans doute le fait que la reine Elisabeth aurait été mère de plusieurs bâtards...
Pour autant, et alors même que ce bon vieux Roland est surtout connu pour ses films d'action à la mode grosse Bertha hollywoodienne (Godzilla, Independence Day, 2012), il parvient à faire preuve de subtilité. Son récit est bien construit; l'intrigue plausible à défaut d'être réelle. Les décors sont bien faits, avec une belle reconstitution de la Londres du XVIème siècle. Pas de temps mort dans le scénario (le film dure pourtant 2h38), ni de facilités narratives qui sautent trop aux yeux. Du bon Emmerich, donc.
Anonymous reprend la thèse selon laquelle les oeuvres attribuées à Shakespeare seraient en réalité dues à Edouard de Vere, comte d'Oxford. Or, sous le puritanisme naissant de l'ère élisabéthaine, évidemment, inimaginable de se penser noble et saltimbanque. Teddy écrit alors en cachette et comme, bien sûr, l'envie de voir jouer ses pièces le titille quand même un peu, il décide de se trouver un prête-nom pour les signer à sa place. Il pense d'abord à Ben Jonson (rien à voir avec le potos de Carl Lewis, un autre) mais, je vous passe le quiproquo, c'est finalement William Shakespeare, acteur un brin minable et quasi illettré, qui obtient le pompon.
Pour muscler son propos, Emmerich rajoute une couche de complot politique autour d'une reine Elisabeth en fin de course, sous la coupe de la famille Cecil (William, puis son fils Robert). Des intrigues qui, comme par magie, s'intègrent très bien dans le récit sur Shakespeare. Car, croyez-le ou non (mais vous pouvez le croire, c'est historiquement vrai), Edouard de Vere avait épousé la fille de William Cecil, ce qui le place, de facto, au coeur de la vie tumultueuse de la cour, croisant ainsi le comte d'Essex, célèbre en Angleterre pour avoir perdu sa tête après un complot raté contre sa bonne reine. Mieux encore, Emmerich, en grand romantique allemand qu'il est (ce qui donne envie de re-regarder Godzilla d'un oeil neuf), fait par conséquent du théâtre un moyen de pression bien plus efficace que la politique: "là où les épées échoueront, les mots parviendront."
Bilan:
Note: 12/20
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